Expression n La troupe théâtrale de l'association El-Moudja de Mostaganem a présenté, hier, sur les planches du Théâtre national, Amour de loin. Adaptée du livre de l'écrivain libanais, Amin Maâlouf, par Mohamed Chergui, la pièce, mise en scène par Djilali Boudjemaâ, retrace l'histoire d'un amour impossible entre un poète et sa belle. Un amour ruiné par les conjurations des forces du mal, celles des jaloux et des hypocrites. Dans le fond, la pièce n'apporte rien de nouveau. L'histoire récurrente nous rappelle les amours illusoires et impossibles que la littérature ou le théâtre ont déjà abordées. La pièce revêt de par le sujet évoqué, une portée universelle. Ce qui frappe toutefois, c'est le jeu instantané et franc des comédiens. Ces derniers ont fait effectivement preuve de talent et de qualité dans leur performance scénique. Naturel et juste, le jeu s'est distingué par un réalisme authentiquement accrocheur et éloquent. Les comédiens se sont illustrés par une interprétation expressive et vivante. Le tout dans un langage théâtral parlant. Celui-ci rythme le jeu qui, lui, se révèle touchant tant l'émotion est forte et constante. L'émotion est présente, d'un bout à l'autre, dans la pièce. Tout se joue d'ailleurs sur les sentiments, non pas pour émouvoir le public ou encore l'attendrir jusqu'à l'apitoiement, mais pour rendre compte du contenu de la pièce et rendre, du coup, le jeu plus sensible et plus perméable. Le jeu est rehaussé notamment par la chorégraphie signée Talât Samaoui que les comédiens ont effectuée d'une façon inattendue et étonnante. La prestation est saillante et relève du spectacle. Il se trouve cependant que la chorégraphie, et ce, en dépit de son expressivité et de son caractère inventif et audacieux, s'avère répétitive : les comédiens, danseurs l'instant d'une représentation, répètent en boucle les mêmes passages. Cela, par moments, fait perdre à l'expression corporelle en elle-même son attrait et son originalité. Au jeu théâtral est venu alors s'ajouter celui de l'expression corporelle. L'association est réussie. Car l'expression corporelle complète le jeu théâtral et, par endroits, elle le signifie jusqu'à même lui conférer la substantifique moelle, c'est-à-dire l'essence de la pièce. Ainsi, la pièce et surtout la manière dont elle a été imaginée et jouée, à savoir intégrer le langage corporel au verbe comme élément principal dans le jeu scénique, inaugure un nouveau registre de l'expression théâtrale. L'association El-Moudja de Mostaganem a une trentaine d'années d'expérience dans le domaine de la pratique théâtrale et notamment la formation des jeunes amateurs et la promotion de leur talent. «C'est une école», dira le metteur en scène Djilali Boudjemaâ, ajoutant : «Certains comédiens activant au sein de la troupe sont aptes à devenir semi-professionnels.» Interrogé sur le petit théâtre d'El-Moudja menacé, il y a quelque temps, de démolition par les autorités locales au profit d'un plan de réaménagement du territoire, Djilali Boudjemaâ dira que les choses, pour le moment, se sont calmées et que des discussions entre les membres de l'association et les autorités locales sont entamées pour aboutir à un accord. «Le théâtre d'El-Moudja est celui de tous les Algériens», dit-il. D'où la nécessité de le sauvegarder.