Red Adair, mort le 7 août 2004, ne devait pas son surnom aux flammes au milieu desquelles il a pratiqué son activité de pompier du pétrole, mais tout simplement à la couleur de ses cheveux. Né au Texas un beau jour de 1915, Paul Neal Adair a été surnommé «Red» dès l'enfance, à cause de sa flamboyante tignasse rousse qui le faisait reconnaître de loin parmi ses petits camarades de classe. Red Adair a exercé son si singulier métier pendant plus de cinquante ans. Ce fils de forgeron, peu doué pour les études, commence à faire très jeune tous les métiers, jusqu'à ce qu'en 1940 il s'engage aux côtés du Texan Myron Kinley, le seul à l'époque à savoir éteindre les puits de pétrole. Il s'agit d'une technique très particulière que Kinley a mise au point. Car l'incendie d'un puits de pétrole ou de gaz ne s'éteint pas de manière classique, avec de l'eau ou de la mousse carbonique. Une flamme d'une puissance aussi énorme ne peut être étouffée par rien. Il faut la souffler, exactement comme une bougie, par de la dynamite qu'on doit approcher le plus près possible du foyer. On conçoit le danger d'une telle entreprise. Aux côtés de Myron Kinley, Red Adair se révèle vite un as du métier. A tel point que, lorsque celui-ci se retire, devenu sourd pour n'avoir pas su s'éloigner à temps d'une explosion, Red fonde sa propre société, la «Red Adair Company». Pendant trente-cinq ans, de 1959 à 1994, date de sa retraite, à soixante-dix-neuf ans, ce qui est plus qu'honorable pour une activité aussi physique, il a éteint pas moins de deux mille puits de pétrole, au Moyen-Orient, en Amérique latine, en Australie et ailleurs, dont la moitié au Koweït, après la première guerre du Golfe, en 1991. Pendant toute cette période, il a fait du rouge son emblème. Tout ce qui l'entourait était rouge : sa tenue de travail en amiante, ainsi que celle de tous ses employés, ses chemises, ses cravates, ses innombrables Cadillac. Comme il avait l'habitude de le répéter : — Tout est rouge chez moi, sauf mes idées. Et lorsque, vers la fin de sa vie, il faisait le bilan, ce n'était pas le gigantesque brasier du Koweït qui était son plus terrible souvenir, c'était, au début de sa carrière, l'incendie du puits de gaz de Gassi Touil — C'est la seule fois où j'ai failli échouer et c'est aussi la seule fois où j'ai cru y rester. Là, vraiment, c'était l'enfer ! Tout commence le 3 novembre 1961, à midi, à Gassi Touil, au cœur du Sahara, alors français, qu'exploite une compagnie française. Le puits GT 2 fonctionne normalement, lorsque, brusquement, l'installation explose. Le gaz rompt ses canalisations, détruisant en quelques secondes vingt-cinq tonnes de tiges de forage, qui sont projetées en l'air comme des fétus de paille. Par une chance inouïe, il n'y avait per-sonne à proximité et aucun blessé n'est à déplorer. Par chance également, le gaz ne s'enflamme pas, il se contente de s'échapper dans l'atmosphère. C'est une fuite, comme il peut en arriver chez soi, mais multipliée par des milliards. Immédiatement, les ingénieurs et les techniciens tentent d'intervenir il n'y a rien à faire, la pression est beaucoup trop forte, rien ne peut l'endiguer. Alors ils appellent le spécialiste, en l'occurrence Red Adair. Compte tenu du décalage horaire, il est 3 heures du matin au Texas. Ils finissent par joindre le pompier du pétrole. Il n'est pas de la meilleure humeur. — Qu'est-ce que c'est que cette histoire ? Il est en feu, votre puits ? — Non, mais... — Je dois partir demain pour le Mexique. Là-bas, c'est un vrai incendie, qui risque de faire des dégâts énormes. (à suivre...)