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La lecture doit commencer à l'école
L'institution éducative a abandonné son rôle
Publié dans La Tribune le 06 - 11 - 2013

L'absence d'un lectorat solide est sans conteste le plus grand frein pour le livre en Algérie. En fait, c'est un lectorat qui s'est effrité en moins de trois décennies, suite notamment à la mise en œuvre de la loi créant l'école fondamentale. Aujourd'hui, après plusieurs réformes qui n'ont pas touché le fond du système éducatif, l'Algérie peine encore à retrouver son lectorat et les livres ne se vendent toujours pas en quantité suffisante, malgré certaines mesures que les pouvoirs publics ont prises dans le sens de rendre les livres
accessibles à un plus grand nombre. Mais cela ne marche toujours pas et plusieurs raisons pourraient expliquer cet état de fait qui maintient encore l'Algérien loin du livre et de la lecture.
Où qu'on aille à travers l'Algérie, la lecture reste encore désertée et beaucoup avancent l'idée de la cherté des livres pour expliquer cette situation. Si le livre est toujours inaccessible pour les petites bourses, et même la classe moyenne, il n'en demeure pas moins que ce n'est pas la seule raison selon des personnes interrogées qui, sans remettre en cause le problème des prix, évoquent d'autres raisons probables comme la qualité des livres proposés, leurs contenus ainsi que les problèmes d'importation. Mais il y a une raison que tout le monde semble partager, c'est cette impuissance de l'école à réapprendre aux enfants à aimer le livre et la lecture. Cette mission, ô combien importante, a été tout simplement abandonnée par l'école algérienne qui a été détournée vers des considérations beaucoup plus idéologiques que pédagogiques.
C'est aussi l'école qui a été mise à contribution dans une œuvre falsificatrice de l'histoire, éloignant de fait les citoyens, notamment les jeunes, du livre historique. Et ce n'est pas un hasard si les jeunes d'aujourd'hui ne lisent que les écrits historiques qui contredisent la version officielle.
Selon des libraires de Tizi Ouzou interrogés par la Tribune, les livres d'histoire présentant des versions «croustillantes» aux lecteurs sont les plus demandés, notamment par les jeunes qui ne se font plus prier pour chercher la vraie histoire de l'assassinat de Abane Ramdane, la mort des colonels Amirouche et Si El Haoues et la séquestration de leurs restes par le pouvoir après l'Indépendance, les circonstances réelles de la trahison de Messali Hadj et ses compagnons ainsi que les circonstances réelles de la confiscation du pouvoir au lendemain de l'Indépendance. C'est ce genre de lectures que les Algériens recherchent et dont ils trouvent enfin quelques bribes, après que certains acteurs de la Guerre de libération nationale aient décidé enfin de témoigner.
D'un autre côté, les mêmes libraires n'écartent pas l'idée que le prix du livre intéressant reste encore inaccessible pour les petites bourses, notamment les étudiants qui ont besoin d'ouvrages divers que les bibliothèques universitaires ne leur offrent pas, ou, dans certains cas, pas en quantité suffisante. Pour certains d'entre eux, la qualité des livres proposés laisse à désirer critiquant toutes les coquilles qu'ils contiennent, particulièrement ceux destinés aux enfants. En matière de contenu, les erreurs d'orthographe et de grammaire ne sont pas les seuls griefs retenus contre certains ouvrages édités en Algérie, mais aussi importés, notamment des pays arabes. Des libraires n'ont pas manqué de dénoncer l'encouragement par les pouvoirs publics de l'introduction massive et incontrôlée de livres religieux, au détriment des ouvrages d'une importance capitale pour notre pays, comme ceux de médecine ou de mathématiques. D'ailleurs, les livres les plus intéressants dans ces filières coûtent les yeux de la tête, certains dépassant les 10 000 dinars. De leur côté, les éditeurs se disent lésés par la concurrence jugée déloyale que leur imposent les importateurs, particulièrement au niveau des prix.
Cela dit, que ce soit les libraires ou les éditeurs, ils convergent tous vers l'idée que l'école n'a pas joué son rôle dans le développement du lectorat en Algérie. Les enseignants aussi n'ont pas manqué de dénoncer cet état de fait et se demandent encore pourquoi les nouvelles mesures d'encouragement de la lecture à l'école ne sont pas encore mises en œuvre. Ces mesures, incluses dans une convention signée par les ministères de l'Education et de la Culture, prévoient, entre autres, l'obligation faite aux élèves de lire au moins quatre livres par année et l'instauration de prix récompensant les meilleurs lecteurs parmi les écoliers. Beaucoup ne cessent de réclamer l'éloignement du secteur de la culture du livre et de la lecture pour le réserver exclusivement à celui de l'éducation nationale. Serait-ce une option ?
M. B.


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