Photo : Sahel De notre correspondant à Tizi-Ouzou Malik Boumati
Tizi Ouzou est cette wilaya où les libraires se font rares. Où certains libraires ont été amenés à changer d'activité pour transformer leurs librairies, des lieux de savoir et de développement intellectuel, en pizzeria ou en restaurant. Un signe révélateur de l'importance que l'on donne à la lecture et au livre, à un moment où, sous d'autres cieux, toute la politique de développement d'un pays est basée sur l'enfant et son développement cognitif pour assurer l'avenir de la nation. En Algérie, la réalité est tout autre et Tizi Ouzou n'est malheureusement pas la seule wilaya où le libraire est loin de constituer cette immense source d'épanouissement intellectuel et culturel qu'il est censé être. Comme dans d'autres wilayas du pays, on ne se bouscule pas dans les librairies de Tizi Ouzou où le livre de qualité reste inaccessible à une majorité de citoyens. Mais comment en serait-il autrement quand le livre et la lecture ne sont encouragés nulle part ? L'organisation de salons et de festivals consacrés au livre et à la lecture suffira-t-elle à inculquer aux enfants et aux adultes l'amour de ce précieux outil d'épanouissement ?Les libraires de Tizi Ouzou posent le problème de l'indisponibilité des livres d'importation de qualité, particulièrement ceux édités en Europe. «Nous sommes à la merci des importateurs. Nous ne commercialisons que ce qu'ils nous proposent», dit un libraire de Tizi Ouzou qui a requis l'anonymat. Pour lui, «les importateurs de livres et autres ouvrages ne s'attardent pas sur la qualité du produit qu'ils font introduire en Algérie». «Ils travaillent beaucoup plus avec les maisons d'édition des pays arabes qui nous noient dans des livres religieux et autres ouvrages de piètre qualité», ajoute-t-il encore, non sans dénoncer «toutes les erreurs scandaleuses qu'on trouve dans les livres, notamment pour enfants. De nombreux livres constituent un véritable poison intellectuel pour nos enfants».Les libraires de Tizi Ouzou, du moins ceux interrogés, connaissent une mévente importante de nombreux ouvrages dont la qualité laisse à désirer. «La question de la qualité des ouvrages se répercute sérieusement sur notre activité qui est autant intellectuelle et culturelle que commerciale», affirment trois des quatre libraires qui nous ont accordé des entretiens.Il faut dire que ce problème a été accentué par la décision des organisateurs du Salon international du livre d'Alger (Sila) d'interdire aux libraires de s'approvisionner directement auprès des éditeurs participants. Cette mesure prise dans le souci et l'objectif de réguler et d'organiser le marché du livre en Algérie, empêche le libraire de choisir lui-même les ouvrages à proposer à ses clients. Il est, de ce fait, contraint de s'approvisionner uniquement chez les importateurs et les éditeurs nationaux. Une situation qui a engendré l'indisponibilité d'un certain nombre d'ouvrages et de titres demandés par les lecteurs. Une problématique que pose M. Khemici, ce jeune gérant de la librairie «Le Salon du Livre» qui fait part de l'impossibilité pour des éditeurs algériens de mettre sur le marché certains titres «parce qu'ils n'y ont pas droit, les auteurs ayant publié leurs œuvres à l'étranger» et de la «négligence» dont font preuve les héritiers de quelques auteurs disparus, dans la réédition des œuvres régulièrement demandées.Et quand il y a une forte demande sur un produit rare, c'est l'informel qui prend le dessus. D'ailleurs, on trouve sur les étagères des librairies des œuvres, notamment des classiques, frauduleusement éditées, mais qui répondent à la demande sans cesse croissante, notamment des ouvrages à prix raisonnables.Notre interlocuteur dénonce aussi la TVA de 7% instaurée par les pouvoirs publics sur le livre importé. «C'est le seul pays au monde qui taxe le livre, alors que dans d'autres pays, ce produit est subventionné pour être mis à la portée de tous, sinon la majorité» dit-il avec une certaine amertume, en souhaitant que cette taxe soit supprimée pour que le lectorat se développe davantage. Par ailleurs, le jeune libraire ne manquera pas de dénoncer l'indisponibilité du manuel scolaire «malgré les assurances de Benbouzid à chaque rentrée scolaire».