Le Salon international du livre d'Alger ouvre ses portes, aujourd'hui, pour sa dix-septième édition et le moins que l'on puisse dire c'est qu'il semble loin des lecteurs de l'Algérie profonde. Cette Algérie qui n'est pas nécessairement la capitale. Un salon d'une grande utilité mais qui est loin de tous ces Algériens de l'intérieur qui n'ont pas le temps, les moyens de faire un déplacement vers Alger pour visiter les stands des éditeurs, s'offrir des livres quand ils peuvent ou tout simplement s'informer des nouveautés dans l'édition. A Tizi Ouzou, l'une des wilayas les plus proches de la capitale, ils ne seront pas nombreux à faire le déplacement vers le palais des expositions des Pins maritimes, comme à chaque édition. Le manque de temps est le raison principale avancée par les citoyens interrogés, y compris certains libraires qui se disent incapables de bouger en cette période de rentrée scolaire et universitaire. «Les habitants des autres wilayas ont besoin aussi de cette manifestation et l'idéal c'est que le Sila devienne itinérant pour que les lecteurs des autres wilayas en bénéficient» a affirmé un libraire du centre-ville de Tizi Ouzou qui ne manquera pas, par ailleurs, de revendiquer une exonération d'impôts sur les livres, notamment ceux importés, pour qu'ils soient accessibles à toutes les bourses.Une cliente présente dans la librairie n'a pu s'empêcher d'intervenir pour dire son incapacité à faire le déplacement à Alger en raison du manque de temps, mais aussi de la cherté des livres intéressants proposés aux Pins maritimes. «Si je compte les frais de déplacement et les prix des livres scientifiques, cela va me coûter les yeux de la tête» a-t-elle affirmé, défendant plutôt l'idée de délocalisation du salon vers les wilayas. De nombreuses personnes interrogées ont défendu cette idée, exprimant le vœu de voir le Sila poser ses valises à Tizi Ouzou et dans d'autres wilayas pour permettre aux lecteurs de l'Algérie profonde de visiter les stands et de s'offrir des livres quand c'est possible. Cette vieille revendication de délocalisation semble, cependant, avoir été entendue par les organisateurs du Salon international du livre, puisque selon son commissaire, Hamidou Messaoudi, également premier responsable de l'Enag, a annoncé «la création de salons régionaux labellisés qui démultiplieront la présence du livre sur le territoire national». Cela se fera grâce à l'une des deux filiales de l'Enag, Enag événementiel, chargée aussi de l'organisation du Sila. «Cette démarche vient répondre ainsi à une demande exprimée par les lecteurs et lectrices de l'intérieur du pays qui ne peuvent tous se déplacer à Alger pour assouvir leur soif de lecture», a estimé le commissaire du Sila dans un entretien publié sur le site internet de l'événement.En attendant de voir dans quelles conditions se fera la délocalisation du Sila vers les wilayas, différents libraires et lecteurs attendent toujours que les pouvoirs publics appuient l'idée d'une exonération à l'importation qui fera baisser les prix du livre, notamment scientifique importé d'Europe. «Les livres religieux ont envahi notre pays et les étudiants ne trouvent même pas certains livres, notamment de médecine et informatique, alors que d'autres restent inaccessibles pour des centaines de milliers d'étudiants», peste un jeune étudiant de la Faculté de médecine de Tizi Ouzou qui appelle les autorités à faire un geste qui sera en adéquation avec les différents discours sur la sensibilisation autour du livre et de la lecture. Sur ce point, même les libraires rejoignent les lecteurs dans la question du prix du livre. «Les lecteurs sont nos clients et nous avons besoin de vendre pour vivre. Déjà que les lecteurs ne sont pas encore nombreux, comment voulez-vous que les affaires du libraire marchent si les prix des ouvrages restent inaccessibles ?» estime un autre libraire qui avait deux librairies dans la ville des genêts avant qu'il ne décide d'en fermer une pour cause de faillite. De nombreux libraires rappellent la transformation «dramatique» d'une librairie en pizzeria, il y a quelques années. «L'Etat doit agir s'il ne veut pas que les librairies deviennent toutes des gargotes», avertissent certains d'entre eux.