A. Lemili Dans une ville préoccupée, via un indescriptible capharnaüm, par les apprêts qui lui fourniraient des conditions «honorables» d'accueil d'un évènement culturel majeur et par voie de conséquence de justifier le titre très galvaudé de ville du savoir, de l'art, de la culture, des sciences... rarement l'artiste n'a autant mérité le qualificatif de bohème... une bohème amputée évidemment de la connotation nostalgique du titre de la chanson culte du même nom. Aucun espace digne en capacité d'accueillir un vernissage et si tant qu'il existe des infrastructures relevant de la direction de la culture ou encore de celle de la jeunesse et les sports, celles-ci sont d'abord difficilement accessibles aux gens de l'art qui en feraient la sollicitation, à moins évidemment d'être dans les bonnes grâces de l'administration locale et quelques uns de ses responsables. Ensuite, rares sont les structures qui répondent favorablement à l'agencement d'espaces spécifiques pour une activité donnée et/ou adaptée soit en raison de leur utilisation simultanée pour d'autres prestations d'un tout autre genre ce qui fait quelque part désordre du fait d'un détournement réciproque d'intérêt des visiteurs. Il y a quelques semaines une artiste peintre, qui vit un ostracisme imposé par l'ordre culturel établi, a été contrainte de faire elle-même le ménage des lieux où elle devait exposer son œuvre. Ce rejet de l'artiste, souvent, n'est pas volontaire, il est le fait de l'inculture même des responsables qui en raison d'une formation administrative dogmatique n'ont pas d'accointances avec toutes formes d'art et encore moins avec l'éclectisme obligatoire, un outil pourtant essentiel dans leur mission. A Constantine, quel que soit le responsable auquel on s'adresse, la vision des choses, des cas, des situations, reste tributaire d'une relation à la limite œdipienne que celui-ci a avec l'activité qu'il encadre et qu'il ne partage pas avec l'artiste, même si c'est l'art de ce dernier qui est bridé pour ne pas dire muselé. Il existe en ce sens un argument-massue lequel d'ailleurs fait se gausser et en même temps rager bien des Constantinois, celui qui consiste à donner pour le pilotage de la manifestation culturelle de 2015 les manettes à des staffs divers dont la particularité est qu'ils sont en majorité composés de responsables issus de la capitale. D'où, par voie de conséquence, une vision tout à fait fabriquée par le ministère de la Culture sur les gages de la réussite de l'évènement mais surtout de préparatifs qui battent leur plein, ce qui est loin d'être le cas dans l'état actuel de la situation où il parait plus que probable que si «Constantine, capitale de la culture arabe 2015» s'avérera a posteriori un véritable gouffre financier pour masquer tous les bricolages possibles et colmater les insuffisances via des procédés cosmétiques auxquels les officiels sont rompus. Nous avons principalement évoqué le cas d'une artiste peintre qui, faut-il le préciser, a bonne presse à l'étranger grâce à Internet et aux réseaux sociaux mais ce sont tous les pans de la création et la créativité qui sont pénalisés à Constantine, une ville qui comble du paradoxe continue de consommer l'essentiel des budgets alloués à toute la wilaya et dont la particularité et non seulement d'appauvrir les 11 autres communes-villes mais tout aussi de les enfoncer dans une misère culturelle sans fin. Seule la ville du Khroub, depuis que sa majorité municipale est d'obédience FFS, entretient des velléités d'indépendance culturelle dans la mesure où l'assemblée a décidé la création d'un office aux vocations multiples à même de se prendre en charge et de prendre en charge les préoccupations et des artistes et des publics. Ce désert culturel dans une ville paradoxalement désignée capitale de la culture arabe a interpellé bien des spécialistes conviés, il y a deux mois, pour un colloque sur les villes du bassins méditerranéens et qui a suscité les propos logiques d'un intervenant sur l'opportunité et plus particulièrement sur les choix d'une cité qui ne répond pas aux canons présidant à la notion même de culture arabe. Preuve en est encore, la mort programmée du cinéma, du théâtre, de la musique moderne depuis ces vingt dernières années et l'option pour des genres plutôt archaïques, voire désuets comme le malouf ou encore les aïssaoua. Cela même si, toujours, au niveau du ministère de la Culture, les responsables s'évertuent à en pérenniser l'hégémonie via l'institutionnalisation. A. L