Des observateurs et analystes de la scène politique algérienne avaient avancé avec certitude le report de la présidentielle de 2014, la désignation d'un vice-président et la prolongation du mandat actuel du président de la République. Lors du dernier conseil des ministres, Bouteflika a balayé ces supputations d'un revers de main, lorsqu'il a demandé à Sellal de préparer les échéances politiques à venir, en l'occurrence, la présidentielle. Bouteflika a rappelé «l'importance de prendre, d'ores et déjà, toutes les mesures et dispositions nécessaires afin de permettre à notre pays d'aborder, dans les meilleures conditions, les prochaines échéances politiques». L'échéance la plus attendue et la plus décisive pour le pays est incontestablement l'élection présidentielle de 2014. Demander au gouvernement de s'atteler à préparer en urgence cette échéance devra mettre un terme aux spéculations sur la prolongation du mandat actuel à travers une prétendue clause que contiendrait la prochaine révision constitutionnelle et qui irait dans ce sens. D'autres voyants et cartomanciens évoquent un quatrième mandat que briguerait Bouteflika en se basant sur des analyses et des lectures du dernier remaniement ministériel et les changements opérés à la tête des services de renseignement et de leurs structures passées sous la direction de l'état-major de l'ANP et du ministère de l'Intérieur. Si la prolongation du mandat est démentie, le quatrième mandat n'avait aucun sens depuis le discours de Sétif, lorsque le Président a déclaré que sa génération a fait son temps et que l'heure était au changement. Si certains ont perçu dans cet aveu historique un leurre, il n'y a qu'à voir l'alliance présidentielle comment elle a volé en éclats et la situation des deux partis piliers de cette alliance. Si Bouteflika avait réellement l'intention de briguer un quatrième mandat, qu'est-ce qui expliquerait alors l'éviction de Belkhadem et de Ouyahia des directions du FLN et du RND. Ces crises qui traversent ces deux partis sur lesquels repose pourtant le gouvernement, n'expriment-elles pas les ambitions de leurs leaders à se porter candidats à la magistrature suprême puisque la voie est libre ? Au-delà de ces approches qui valent ce qu'elles valent face à des inconnues qui ne manqueront pas à se dévoiler dans les prochains jours, il est regrettable de réduire le fonctionnement d'un Etat, avec toutes ses insuffisances et ses contradictions, à des querelles personnelles et à des ambitions démesurées ce qui constituerait une menace contre les intérêts et la sécurité du pays. La mise en œuvre, dans les prochains jours, du processus électoral de 2014, va-t-il enfin ouvrir le champ du débat sérieux sur les enjeux réels et déterminants qui intéressent les Algériens ? Cette phrase du Président, demandant au gouvernement de commencer d'ores et déjà la préparation des échéances politiques à venir, va-t-elle encourager les candidats potentiels à se manifester et à rendre publics leurs programmes et leurs projets sociaux ? L'opinion publique attend cependant de découvrir les contours de la révision constitutionnelle avec l'espoir que ses dispositions nouvelles projetteront l'Algérie, Nation et Etat, dans le troisième millénaire et de façon irréversible. C'est là où se situe la responsabilité de Bouteflika s'il veut inscrire son dernier acte en tant que Président dans l'histoire du pays et de toute la région maghrébine. Les courants politiques éclatés Cependant, la présidentielle ne peut être abordée sans partis puissants, bien structurés et bien implantés à travers le pays. A l'exception du MSP qui dispose de relais sérieux, même s'il manque d'ancrage populaire pouvant faire de son candidat un prétendant sérieux à la présidence, aucun des postulants potentiels à la magistrature suprême ne dispose de structures claires pouvant le soutenir. Ni Benflis, ni Hamrouche, ni Benbitour, encore moins Yasmina Khadra et Soufiane Djilali, n'ont de partis puissants à leur service. Les crises et le remue-ménage qui caractérisent le FLN et le RND s'expliquent par l'échéance de la présidentielle de 2014. Ce qui est sûr, c'est que les deux partis au pouvoir ne voulaient pas de leurs secrétaires généraux défaits comme candidats à la magistrature suprême en perspective. L'attitude des directions et autres officines des deux partis ne s'explique pas seulement par leur soutien à une éventuelle candidature de Bouteflika à un quatrième mandat -ce dernier n'ayant, jusque-là, rien laissé transparaître dans ce sens- mais aussi par le risque d'un éclatement de voix des deux partis ce qui favoriserait, le cas échéant, un candidat à la périphérie ou hors système. Mais au-delà de ces considérations arithmétiques, ni Ouyahia ni Belkhadem ne peuvent faire l'unanimité tant au sein de leurs partis qu'en dehors, pour briguer un mandat présidentiel. Aujourd'hui qu'ils sont tous deux hors-jeu politique, ni le FLN ni le RND ne se portent mieux. Bensalah est secrétaire général par intérim, donc sans légitimité des urnes du congrès ou du conseil national, seules instances pouvant désigner le leader du RND. Les redresseurs du parti ne décolèrent pas et poursuivent leur mouvement contre l'actuelle direction. Le FLN n'est pas dans une position plus confortable puisque malgré la désignation de Saïdani, la contestation continue et les redresseurs sont décidés à se débarrasser de lui. Dans les faits, et comme à chaque échéance électorale, les deux piliers du gouvernement et du Parlement, sont éclatés entre au moins trois candidats potentiels : Hamrouche, Benflis, et éventuellement Bouteflika s'il venait à se prononcer. En d'autres termes, le courant nationaliste, quand bien même il recevrait les renforts du MPA et de TAJ et autres clientèles du système, a éclaté en raison de l'éclatement du consensus qui l'a toujours uni et autour duquel il a toujours fonctionné et agi. Le consensus qui a toujours été le fil conducteur du FLN et du RND, a été malmené par les scandales de corruption et de malversation qui ont éclaboussé l'Etat dans un contexte régional très instable. La crainte d'une contagion, a semé le doute et a ébranlé les certitudes d'une classe dirigeante qui cherche la voie à suivre. D'ailleurs c'est pour cette raison que le MSP a pris ses distances avec l'alliance présidentielle et le gouvernement, afin de se refaire une virginité et se présenter comme le sauveur lors des législatives qu'il a ratées et lors de la prochaine présidentielle à laquelle il compte se préparer sérieusement à travers des alliances stratégiques avec d'autres partis islamistes ou courants non structurés. L'opposition n'est pas mieux lotie Si l'opposition veut avoir une chance de réaliser un score respectable, elle n'aurait pas d'autre choix que de fédérer ses forces et désigner un candidat unique autour d'un programme large. Mais une alliance de cette envergure, ne peut-être envisagée la veille d'une échéance aussi importante. L'opposition qui accuse le système de tous les maux du pays, de la chape de plomb qui pèse sur la scène politique, de l'inertie économique... ne fait rien pour changer les choses. Aucune rencontre entre les différents partis d'opposition n'a eu lieu pour au moins discuter de la situation du pays et des perspectives alors que le monde bouge autour de l'Algérie. A moins que l'opposition ne prévoit de se fédérer autour de candidatures non partisanes comme Benbitour, Benflis et Hamrouche. Cette perspective est d'autant plus plausible que des contacts sont pris avec ces personnalités afin de négocier des soutiens sur la base des programmes que propose chacun des candidats potentiels. Si Benflis et Hamrouche bénéficient d'ores et déjà du soutien des mécontents du FLN et du RND, en plus des organisations des enfants de chouhada et de moudjahidine, Benbitour s'est déjà réuni avec un ensemble de partis qui lui ont signifié leur soutien. Mais ces derniers n'ont pas un poids social important pour permettre à Benbitour de réaliser un score significatif. Mais la tradition algérienne veut que la présidentielle se joue ailleurs que dans les conventions de partis et du mouvement associatif. Tant que le bal n'est pas ouvert officiellement et solennellement par la convocation du corps électoral et l'arrêt de la date du scrutin, rien de spectaculaire ne sera fait, à l'exception de l'annonce des différentes candidatures. Il faut attendre le début de la campagne officielle pour découvrir les programmes des candidats même si certains aspects seront abordés lors des émissions que comptent lancer les différentes chaînes de télévision. Même à ce propos, il ne faut pas s'attendre à des propositions révolutionnaires et réalisables. L'Algérie dispose de moyens financiers importants, d'un potentiel humain et d'un arsenal juridique valables. Le défi c'est de savoir comment optimiser et valoriser ces richesses et comment faire appliquer et respecter les lois même si certaines restent à parfaire. A. G.