Loin des coulisses de la politique et de la diplomatie, dans le Soudan du Sud profond, des tueries sont commises depuis plusieurs jours à l'égard des civils, dans ce conflit armé opposant le gouvernement du président Silva Kiir aux partisans de son ancien vice-président, Riek Machar. Au lendemain de la publication du rapport d'enquête d'Human rights watch (HRW), faisant état d'exactions commises sur des civils dans plusieurs régions du nord, l'Organisation des Nations unies a tiré la sonnette d'alarme sur ce qui se déroule actuellement, loin des projecteurs des médias, au Soudan du Sud. Le Secrétaire général-adjoint de l'ONU aux droits de l'Homme, Ivan Simonovic, qui s'était rendu la semaine dernière à Bentiu, dans l'Etat pétrolier de l'Unité (Nord), a fait un constat des plus dramatiques. «Dès qu'un camp reprend le contrôle de Bentiu, il commet des violations des droits de l'Homme et tue des civils», a déclaré M. Simonovic, repris par Reuters. «Nous avons vu entre 15 et 20 cadavres en état de décomposition dans la rue. Manifestement les civils sont ligotés avant d'être tués», a-t-il ajouté, mais la situation est encore plus grave puisque les enquêteurs de l'ONU et des autres ONG n'ont pas totalement accès à certains endroits où les combats sont plus violents. «Les informations qui nous parviennent font état de tueries massives, d'exécutions extrajudiciaires, de destructions à grande échelle, de pillages, et de recrutement d'enfants-soldats» qui auraient commis de nombreuses tueries, selon l'envoyé spécial onusien. Dans son rapport, publié jeudi, HRW a affirmé que les civils ont été victimes de violences et tueries «délibérées» de la part des deux camps. L'organisation non-gouvernementale parle ouvertement de conflit ethnique opposant les Dinka (ethnie de Silva Kiir) aux Nuer (ethnie de Riek Machar). «Entre le 27 décembre et le 12 janvier, Human Rights Watch a recueilli près de deux cents témoignages à Juba et dans la ville de Bor. Les victimes et les témoins décrivent des scènes effroyables. Des tueries massives ont eu lieu à Juba et dans plusieurs villes du pays. Ces tueries ont souvent eu pour unique motif l'appartenance ethnique», a noté HRW, ajoutant qu'«à Juba, au début de l'insurrection, les soldats de l'armée soudanaise ont assassiné entre deux et trois cents hommes d'ethnie Nuer, l'ethnie de l'ancien vice-président Riek Machar, après les avoir enfermés dans une maison. D'autres témoignages parlent de ratonades, maison par maison et d'exécutions pures et simples». Jeudi, le gouvernement de Juba a affirmé avoir accepté de cesser les hostilités, lors d'une rencontre à Addis-Abeba, en Ethiopie, où se trouve le siège de l'Union africaine. Sur le terrain, tout indiquerait le contraire, selon plusieurs sources. A noter que plus de 86 000 personnes ont trouvé refuge dans les pays voisins pour fuir les combats qui font rage au Soudan du Sud depuis la mi-décembre, selon les chiffres publiés vendredi par l'ONU, qui prévoit que leur nombre dépassera les 100 000 fin janvier. L'Ouganda a reconnu avoir envoyé des soldats pour sécuriser son territoire et empêcher les rebelles de rentrer dans son territoire, alors que le Kenya a renforcé le contrôle au niveau de ses frontières pour maîtriser le flux de réfugiés venant du Soudan du Sud. R. I. /Agences