Le Conseil de sécurité de l'ONU se réunit mardi pour approuver l'envoi de 5.500 soldats et 423 policiers supplémentaires au Soudan du Sud, recommandé par le secrétaire général Ban Ki-moon qui a mis en garde contre des exactions à caractère ethnique dans ce pays en proie à d'intenses combats. M. Ban Ki-moon a convoqué la veille une réunion de crise avec ses principaux conseillers sur la détérioration de la situation au Soudan du Sud, proposant le renforcement de l'opération de maintien de la paix des Nations unies dans ce pays (Minuss) avec 5.500 soldats et 423 policiers supplémentaires afin de mettre fin à un conflit marqué par une flambée de violences interethniques. Dans la soirée de lundi, le Conseil de sécurité a entamé des consultations d'urgence pour examiner la demande du Secrétaire général de renforcer les capacités militaires, policières et logistiques de la Minuss. Ces renforts s'ajouteront aux quelque 7.000 Casques bleus et 700 policiers de la Minuss. Les Etats-Unis ont proposé une résolution en ce sens, qui sera soumise au vote des 15 membres du Conseil mardi à 20H00 GMT, a indiqué l'ambassadeur français Gérard Araud qui préside le Conseil. "La réaction de tous les membres du Conseil a été positive", a-t-il estimé. "Il y a un consensus très large et la volonté d'agir rapidement", a renchéri l'ambassadrice américaine Samantha Power. Mais elle n'a pas caché que l'envoi des renforts "va prendre au moins quelques jours". Ban Ki-moon avait auparavant prévenu que "les Nations unies enquêteront sur les accusations de graves violations des droits de l'homme et de crimes contre l'humanité" au Soudan du Sud. "Ceux qui sont responsables à un haut niveau devront en répondre personnellement et faire face aux conséquences, même s'ils prétendent n'avoir pas été au courant des attaques", avait-il averti. De nombreux témoignages laissent penser qu'un schéma brutal de violences à caractère ethnique, dont des meurtres et des viols, est en place depuis qu'ont commencé les affrontements le 15 décembre. Lundi, des témoins ont indiqué que des soldats gouvernementaux avaient arrêté et "massacré" il y a une semaine quelque 250 hommes qu'ils avaient conduits dans un poste de police de Juba. Seuls 12 d'entre eux ont pu s'échapper en se cachant sous les cadavres. Les deux hommes affirment avoir été visés parce qu'ils appartiennent à l'ethnie Nuer de l'ex-vice-président Riek Machar, et que les soldats responsables du massacre étaient de l'ethnie Dinka, l'ethnie majoritaire du président Salva Kiir. M. Kiir a accusé lundi son ex-vice-président de mobiliser des miliciens nuer, connus pour leurs raids brutaux contre les communautés rivales pendant la longue guerre civile Nord-Sud (1983-2005) qui a ravagé le Soudan avant la sécession du Sud. Le Soudan du Sud est en proie à d'intenses combats depuis que le président Salva Kiir a accusé son ancien vice-président, limogé en juillet, de tentative de coup d'Etat il y a une semaine. Riek Machar dément, accusant Salva Kiir de vouloir éliminer ses rivaux. La situation sécuritaire en perpétuelle dégradation Sur le terrain, la situation continue de dégénérer et des centaines de milliers de personnes risquent d'avoir très vite besoin d'aide, a mis en garde l'ONU, qui prédit "une augmentation massive des besoins" humanitaires à court terme. Depuis une semaine, des morts par centaines ont été recensés et les civils affluent par dizaines de milliers dans différents complexes de l'ONU, 20.000 à Juba seule, pour tenter d'échapper aux combats. Des renforts de l'armée sud-soudanaise sont prévus à Bor (200 km au nord de Juba), la capitale de l'Etat du Jonglei, chroniquement instable, prise la semaine dernière par les hommes de Machar. Les forces de l'ancien vice-président ont également pris le contrôle de Bentiu, capitale de l'Etat stratégique d'Unité qui concentre la production pétrolière nationale. Les Etats-Unis, mais aussi le Royaume-Uni, le Kenya et l'Ouganda rapatrient leurs citoyens. Washington a indiqué que son armée préparait de nouvelles évacuations, après avoir déjà exfiltré 380 Américains ces derniers jours. Après un déplacement dans Bor, le chef des opérations humanitaires de l'ONU au Soudan du Sud, Toby Lanzer, s'est alarmé de la dégradation de la situation. La semaine dernière, des miliciens nuer (ethnie de M. Machar) ont attaqué une base de l'ONU à Akobo, dans le Jonglei, tuant deux Casques bleus indiens et au moins 20 civils dinka réfugiés là. Les combats semblent s'être étendus à un autre Etat, le Haut-Nil (nord-est). Selon Jok Madut Jok, du centre de recherche Sudd Institute (indépendant) basé à Juba, des combats ont éclaté dans la capitale du Haut-Nil, Malakal, même si elle reste sous contrôle gouvernemental. Lundi, l'armée sud-soudanaise "travaillait" aussi à une reprise du contrôle de Bentiu (1.000 km au nord de Juba), dans l'Etat d'Unité, a indiqué le porte-parole de l'armée, Philip Aguer.