Le Conseil de sécurité des Nations unies a approuvé mardi l'envoi au Soudan du Sud de casques bleus supplémentaires, dont les effectifs vont presque doubler, alors que l'Onu a annoncé la découverte de charniers. Le coordinateur humanitaire de l'Onu au Soudan du Sud a déclaré que le bilan des violences ethniques qui déchirent le pays depuis dix jours se chiffrait probablement en milliers de morts, et non en centaines, comme estimé jusqu'à présent. "Je pense qu'il est désormais incontestable que des milliers de personnes ont perdu la vie", a dit Toby Lanzer à la BBC. "Quand on s'est rendu comme moi dans les hôpitaux des villes clés et dans ceux de la capitale et qu'on a vu l'ampleur des blessures, on n'est plus dans une situation où on parler de centaines de morts", a-t-il expliqué. Toby Lanzer s'exprimait depuis une base onusienne à Bentiu, une ville tenue par les rebelles où un charnier contenant 75 corps a été découvert. La Haut-commissaire aux Droits de l'homme de l'Onu, Navi Pillay, a fait état "d'au moins" deux autres fosses communes à Juba, la capitale du pays. Adama Dieng, conseiller spécial Nations unies pour la prévention des génocides, a évoqué de son côté dans un communiqué de possibles "crimes de guerre et crimes contre l'humanité". Alors qu'environ 45.000 civils ont trouvé refuge dans les différents camps de l'Onu, les 15 membres du Conseil de sécurité ont voté à l'unanimité l'accroissement des effectifs de la Mission des Nations unies au Soudan du Sud (Minuss), qui vont passer à 12.500 soldats et 1.323 policiers, contre 7.000 et 900 actuellement. Le secrétaire général de l'Onu, Ban Ki-moon, a cependant prévenu que ces moyens supplémentaires "ne suffiraient pas à protéger tous les civils qui en ont besoin", dans un pays plus grand que la France. MEDIATION INTERNATIONALE Le Soudan du Sud est le théâtre depuis plusieurs jours de violences meurtrières à caractère ethnique, entre des factions rivales de l'armée. Les premières hostilités remontent au 15 décembre et ont commencé à Juba pour s'étendre ensuite aux régions pétrolières du pays et au-delà. Les combats opposent pour l'essentiel les factions Dinka et Nuer de l'Armée populaire de libération du Soudan (APLS), nom officiel des forces armées du Soudan du Sud. Certains ont fait également état de milices et de jeunes livrés à eux-mêmes qui s'en prennent aux ethnies combattantes. Les pays occidentaux et les pays d'Afrique de l'Est ont tenté une médiation entre le président Salva Kiir, un Dinka, et le chef des rebelles, Riek Machar, un Nuer, qui était vice-président avant son limogeage en juillet. Les deux hommes disent que le conflit n'est pas tribal mais politique. Sur le réseau social Twitter, le gouvernement de Juba a nié toute responsabilité pour le charnier de Bentiu, qui contiendrait les corps de soldats Dinka. "Bentiu est actuellement sous le contrôle du chef rebelle Riek Machar", peut-on lire. Nous n'avions rien à avoir avec cette zone et les meurtres de masse au Sud-soudan." Salva Kiir a par ailleurs annoncé que l'armée avait repris la ville de Bor, capitale de l'Etat du Jonglei, perdue dimanche. "Les troupes loyales au gouvernement ont pris Bor et nettoient les forces encore là, quelles qu'elles soient", a déclaré le chef de l'Etat. Riek Machar et Salva Kiir se disent ouverts au dialogue mais le chef rebelle a dit lundi qu'il ne négocierait que si ses alliés détenus étaient libérés et le gouvernement a aussitôt rejeté cette exigence.