Samir Ould Ali En mai dernier, la Gendarmerie nationale avait rendu publique une étude selon laquelle la déperdition scolaire était à l'origine de 39% de la délinquance juvénile (notion qui couvre tous les comportements prohibés par la loi, comme le vol, le trafic de drogue ou les agressions, qui sont le fait de mineurs). Cette semaine, le même corps de sécurité a affirmé, sur la base d'une autre étude, que l'échec scolaire est à l'origine de l'augmentation de la criminalité juvénile. «L'échec scolaire reste la principale cause de la hausse de la criminalité ; ce qui conduit à des déviances parmi les jeunes qui se retrouvent, à un moment donné, sans formation ni occupation, ce qui les encourage à user de la violence pour survivre», affirme cette étude qui, si elle a été réalisée pour la seule wilaya d'Alger, pourrait facilement refléter, dans ses grandes lignes, la situation sur l'ensemble des grands centres urbains algériens. A Oran aussi, les services de sécurité, tout comme la direction de l'action sociale ou la société civile, ont fait ce constat que de plus en plus de jeunes, prématurément exclus du système scolaire, sombrent dans la délinquance. En raison de l'absence d'un système de formation efficace (la formation professionnelle peine toujours à offrir une alternative convaincante) et le secteur privé étant inaccessible aux revenus moyens, les victimes de la faillite de l'école algérienne n'ont plus que la rue pour construire leur identité et bâtir leur avenir. D'où la prolifération des bandes organisées composées de jeunes et la hausse des affaires criminelles impliquant des mineurs que la justice traite au quotidien. Pour beaucoup, l'école se trouve aux origines de la délinquance juvénile. «Les violences à l'école sont en partie liées au fait que le pédagogue s'efface au profit du bureaucrate aveugle qui compte, place, oriente l'élève avec distanciation et froideur, dans une profonde méconnaissance des vocations et des attentes de celui-ci. Beaucoup de jeunes élèves ayant connu l'échec scolaire nous disaient : ‘‘Je n'avais pas la tête aux études. L'école était pour moi un enfer''», écrit le sociologue Mohamed Mebtoul en estimant qu'une «remise en question du système éducatif» est une urgence si l'on veut éviter que la délinquance juvénile ne se mue en un phénomène de société. Pour autant qu'il ne soit pas déjà trop tard. En 2012, la Fondation nationale pour la promotion de la santé et le développement de la recherche (Forem) affirmait que 350 000 élèves sont, chaque année, victimes de la déperdition scolaire (15% d'entre eux avant même la fin du cycle primaire), 20 000 vivent quasiment dans la rue et 15 000 sont présentés devant les tribunaux pour des délits divers. Ces chiffres, loin d'être exhaustifs, selon la Forem, traduisent pourtant la situation précaire des enfants et rendent compte de quelques-unes des retombées de la faillite du système éducatif algérien sur la société. S. O. A.