Mohamed Rahmani Handicapés mentaux, handicapés moteurs, sans domicile fixe (SDF), enfants abandonnés, pupilles de l'Etat, mineurs en détresse, femmes répudiées, personnes âgées, familles nécessiteuses, chômeurs, une détresse plurielle que les services de la direction de l'action sociale essayent tant bien que mal de gérer au quotidien, apportant aide et assistance avec les moyens dont elle dispose. Moyens qui ne peuvent, à eux seuls, venir à bout de tant de misères qui se sont aggravées au fil des ans avec la déliquescence de l'édifice social qui a subi les contrecoups d'une crise multidimensionnelle qui a vu des pans entiers de la société se paupériser et plonger au-dessous du seuil de pauvreté. Aujourd'hui, le nombre de familles nécessiteuses s'est multiplié, frôlant les 40 000 ménages qui s'adressent souvent aux associations caritatives, au Croissant Rouge algérien ou à la DAS pour pouvoir survivre. Cette dernière institution, qui se démène particulièrement à l'approche de la rentrée scolaire, du Ramadhan ou de l'Aïd apporte son soutien à ces familles en distribuant denrées alimentaires, moutons de l'Aïd, fournitures scolaires et autres couvertures pour que celles-ci puissent passer plus ou moins normalement ces épreuves cycliques. Les associations caritatives, pour la plupart d'entre elles, n'apparaissent qu'occasionnellement (Aïd, Ramadhan, rentrée scolaire) pour collecter auprès des âmes charitables tout ce qui peut aider cette catégorie de la population. Passées ces occasions, celles-ci se dérobent et s'évanouissent dans la nature. «Si l'on veut aider son prochain, c'est au quotidien qu'on entreprend des actions autrement cela ne rime à rien, nous a répété un imam, un musulman doit se solidariser avec son frère dans le besoin, c'est son devoir.» Dans la réalité, il en est tout autrement et c'est toujours l'Etat qui prend en charge par le biais de ses différentes institutions. Ils sont 21 000, à Annaba, à souffrir de différents handicaps, non-voyants, malvoyants, sourds-muets, handicapés moteurs, handicapés mentaux dont 80 % sont pris en charge selon la catégorie à laquelle ils appartiennent. Ainsi, selon les chiffres communiqués par la DAS, 6 772 bénéficient d'une allocation de 4 000 DA/mois, 7 000 sont inscrits à l'allocation forfaitaire de solidarité (AFS) qui est de 3 000 DA- /mois, le reste bénéficie d'autres dispositifs qui les mettent plus ou moins à l'abri du besoin. A la question de savoir si ces allocations (dérisoires) permettent réellement à ces catégories de subvenir à leurs besoins essentiels, le directeur de la DAS, M. Abadlia Salah, nous répondra que c'est surtout pour les assurances sociales, pour le reste la DAS fait de son mieux pour insérer ces catégories handicapées. Pour les enfants souffrant de déficience mentale, 3 centre psychopédagogiques sont opérationnels et prennent en charge 270 personnes de cette catégorie. Mais cela reste insuffisant et la liste d'attente augmente chaque année, atteignant aujourd'hui les 800 enfants dont les parents espèrent une inscription au niveau de ces établissements saturés. Ces derniers sont dotés d'équipements adaptés, d'encadrement technique et administratif, médecins, éducateurs spécialisés, psychologues enseignants qualifiés, inspecteurs pédagogiques dont le rôle est de préparer ces enfants, qui deviendront adultes à vivre dans la société et pourquoi pas à se prendre en charge soi-même tout en travaillant. Sur ce point précis, lors de notre déplacement, nous avons assisté à un séminaire qui a regroupé à Annaba, les 9 et 10 février courant, les associations, les institutionnels et les spécialistes de 14 wilayas ( Annaba, Souk-Ahras, Guelma, Constantine, El Tarf, Skikda, Batna, Oum El Bouaghi, Khenchela, Béjaïa, Sétif, Mila, Bordj Bou Arréridj et Jijel) en vue d'enrichir et d'amender le décret exécutif 08-02 du 2 janvier 2008 fixant les conditions de création, l'organisation et le fonctionnement des établissements d'aide par le travail. Les 3 autres séminaires traitant de la même problématique se tiendront à Tlemcen, Djelfa et Chlef de sorte que tous les intervenants du secteur puissent exprimer leurs avis et apporter les modifications attendues. Les présidents d'associations, au nombre de 38 dont 10 sont implantées à Annaba, ont planché sur le sujet au niveau de 3 ateliers distincts pour, à la fin, sortir avec des propositions qui seront soumises au ministère de la Solidarité nationale. Le centre d'aide par le travail est un établissement qui devrait en principe prendre en charge les jeunes sortants des centres psychopédagogiques ayant atteint les 18 ans. Ils y suivront des formations qualifiantes en vue de leur insertion dans le monde du travail, ils seront appelés à produire et seront rémunérés pour qu'ils puissent subvenir eux-mêmes à leurs besoins. Ces centres s'autofinanceront en signant des conventions avec des entreprises de sous-traitance pour la fourniture de tel ou tel article qui sera fabriqué par ces handicapés. Une autre catégorie demande à être prise en charge, les SDF. Ils sont là, tapis dans l'ombre à l'abri sous une porte cochère, dans une gare, sous un pont ou dans un jardin public dans le froid des nuits d'hiver, malades, affamés, transis de froid attendant qu'une âme charitable veuille bien s'occuper d'eux. Ce sont des femmes répudiées par leurs époux, des vieux abandonnés par leurs familles, des mineurs jetés à la rue ou des drogués qui ne savent plus où ils sont. Les rondes de nuit effectuées par les agents de la DAS, accompagnés de ceux du Croissant Rouge algérien, des services de sécurité, des agents de l'APC, de la Protection civile et de médecins, recueillent des dizaines de ces malheureux pour les placer dans des centres ou foyers pour personnes âgées, où ils pourront disposer du gîte et du couvert et bénéficier de soins. Les dernières tournées de nuit effectuées en décembre et en février ont porté aide et assistance à plus d'une quarantaine de ces malheureux, certains avaient refusé de rejoindre les centres mais ont accepté les repas chauds servis par les agents de la DAS, qui les ont obligés à accepter des couvertures pour se protéger du froid. Les pupilles de l'Etat, ces victimes de la société qui se retrouvent sans parents connus sont elles aussi prises en charge et accompagnées tout le long de leur vie par la DAS. Certaines ont pu accéder à des postes de travail et sont même devenues responsables au niveau d'entreprises ou d'administrations publiques et aident à leur tour les personnes qui se débattent dans les mêmes conditions qu'elles ont vécues. D'autres se sont mariées et ont bénéficié comme tout le monde de logement social. Pris en charge eux aussi, les mineurs en détresse sont placés dans un centre spécialisé de rééducation où ils suivent des formations qualifiantes. Ateliers de menuiserie, soudure, maçonnerie et autres filières sont mis à leur disposition pour y être formés par des professeurs spécialisés. Les diplômes obtenus sont agréés par la direction de l'enseignement et de la formation professionnels ce qui leur permettra de postuler pour des emplois au niveau des entreprises. La wilaya d'Annaba qui souffre d'un chômage endémique, qui a pris de l'ampleur avec la fermeture et la liquidation d'entreprises publiques suite aux restructurations et nouvelles orientations économiques, est confrontée à ce problème à l'origine de bien des drames. Les différents dispositifs élaborés par les pouvoirs publics pour juguler cette crise de l'emploi ont permis malgré leur insuffisance de soustraire des milliers de chômeurs à l'errance et au désœuvrement à l'origine de biens des maux sociaux. Ainsi Daip, Dais, CID, Cnac, Angem et Ansej ont été pour les jeunes les formules d'emploi les plus attrayantes, ce qui leur a permis d'en bénéficier, surtout avec l'allégement des procédures et le traitement rapide des dossiers. Des centaines de microentreprises activant dans différents secteurs ont été créées, offrant des emplois à cette catégorie de la population. M. R.