Nasser Hannachi Des mutations tous azimuts caractérisent la scène culturelle et artistique constantinoise. Une nouvelle tendance s'est ancrée chez les consommateurs de produits culturels. Le boom technologique qui favorise le forcing du marketing et la consommation express a touché la culture, au grand dam de la qualité artistique. Représentations théâtrales sans âme, albums à la pelle souvent démunis de musicalité recherchée, monologue peu raffiné,... marquent la majorité des manifestations et occupent un grand espace de la scène culturelle, laissant un goût d'inachevé aux expressions artistiques, ce qui contribue à la défection du public et à la désertion des espaces d'animation. Seules les créations s'inscrivant dans les manifestations internationales se distinguent par la qualité et arrivent à avoir bonne audience grâce à leur touche pour le moins élaborée. Depuis quelques années, la scène culturelle vit cette métamorphose qui a relégué la qualité au second plan, pour ne pas dire qu'elle l'a noyée. Il est vrai que le phénomène n'est pas propre à l'Algérie et est mondial mais, à l'échelle régionale et nationale, la médiocrité a pris le dessus et se généralise, au détriment de la qualité. La technologie et le multimédia ont ouvert un trésor inépuisable d'innovations, mais qui requiert toutefois un effort conceptuel. Il ne s'agit pas de «pondre» à chaque minute une production culturelle ! Autrement dit, la technologie et l'électronique favorisent l'abondance. Mais, «en aucun cas elles ne devront étouffer la créativité», soutiennent des artistes. «C'est évident, il faut intégrer les nouvelles approches pour concevoir de bons produits répondant à la demande actuelle. Mais si on se laisse emporter par les incrustations électroniques et la facilité, les œuvres s'altèrent d'artifices complètement étrangers aux normes artistiques», ajoutent-ils. Ce phénomène n'épargne pas le volet livresque qui enregistre une profusion jamais égalée auparavant. Ce n'est pas la conséquence du tout numérique, certes. Néanmoins, le marché (local et national) semble favoriser cette surproduction «minimaliste». Et on reste souvent loin de la rigueur professionnelle et de la qualité littéraires qui devraient être la règle dans le monde de l'édition. Il suffit de faire un tour dans les librairies pour se rendre compte de la grosse quantité d'ouvrages proposés. Mais si on les feuillette, ils ne seront pas nombreux à émerger au dessus du lot. Les essais s'amoncellent sur les étals et les lecteurs sont parfois en face d'une large panoplie très diversifiée. Mais tout ce qui brille n'est pas or, dit le proverbe. «Abondance ne rime pas avec qualité». «Nos librairies sont de plus en plus achalandées, mais, franchement, on s'y perd un peu devant le nombre de recueils proposés. On ne peut pas dire que tous les ouvrages sont exceptionnels et intéressants. Il y a des titres en deçà du niveau requis pour toute spécialité», dira un universitaire, indiquant que «la multiplication des ouvrages demeure un bon marqueur et cela contribue au fur et à mesure à la promotion de la lecture publique qui se démène sans avoir pu, jusqu'à preuve du contraire, attirer bon nombre de lecteurs, malgré les encouragements consentis et les bibliothèques mobiles». Pour les éditeurs, du moins ceux qui prennent leur profession à cœur, «il n'est pas question de proposer n'importe quoi. Des lectures en amont doivent s'accomplir avant tout acte d'édition», soutiennent-ils. «Cette étape épurera la scène livresque et ne désorientera pas les lecteurs, notamment les novices», ajouteront-ils. Constantine est inondée de supports multimédias, de livres, de films, de musique, de culture «fast-food». La scène n'est toutefois occupée que par la quantité, quant à la qualité, elle attend que la culture et les arts soient pris en charge par ceux qui en connaissent la valeur et l'importance. N. H.