Apres l'échec de Genève-2, la situation en Syrie semble rentrer dans une phase de flottement où les acteurs directs et indirects se regardent en chiens de faïence. La violence n'a pas cessé, même si les puissances ont quelque peu décalé le dossier syrien du tableau de leurs préoccupations. Damas s'est déclaré prêt à coopérer à la mise en œuvre de toute résolution de l'ONU sur l'accès humanitaire à condition que sa souveraineté soit respectée. Une exigence répondant à un souci de ne pas se faire piéger, les organisations humanitaires occidentales étant souvent soupçonnées d'appliquer des programmes initiés discrètement par les gouvernements de leurs pays. Ou même, plus grave, soupçonnées d'espionnage et de tentative de déstabilisation des pays dans lesquelles activent ces organisations. L'humanitaire a été malheureusement souvent utilisé davantage pour mettre en difficulté l'adversaire que pour sauver des vies de façon désintéressée. Une résolution non contraignante a été adoptée par le Conseil de sécurité à une rare unanimité, la Russie ayant finalement accepté de voter une version amendée du texte, après avoir fait planer la menace d'un veto. La résolution 2 139 appelle toutes les parties au conflit à lever immédiatement les sièges des zones peuplées et réclame la fin des attaques contre les civils. La résolution exige aussi que toutes les parties, autorisent sans délai un accès humanitaire rapide, sûr et sans entrave. Une véritable bataille sur fond d'humanitaire s'est de suite engagée. Chaque partie en belligérance tentant de prouver l'inhumanité de l'adversaire. Le ministère syrien des Affaires étrangères s'est dit prêt à coopérer avec le représentant de l'ONU en Syrie et les organisations humanitaires internationales afin de trouver les mécanismes garantissant l'application de la résolution. Il a néanmoins mis en garde, soulignant que sa mise en œuvre devait se faire dans «le respect de la souveraineté nationale, du rôle de l'Etat et des principes de neutralité et d'honnêteté». Pour Damas il est nécessaire que «les causes de la crise humanitaire» soient traitées, dénonçant «le terrorisme soutenu par l'étranger». A cet égard, le gouvernement syrien s'est félicité que la résolution «condamne fermement les attaques terroristes menées par des organisations liées à Al Qaïda». Le régime syrien accuse, depuis le début du conflit en mars 2011, l'ensemble des rebelles d'être des «terroristes» soutenus par des parties étrangères définies. Un conflit et des tireurs de ficelles Au départ pacifique, la révolte en Syrie s'est transformée en insurrection armée avant de se voir manipuler par des parties externes au conflit. Des déserteurs et civils ont pris les armes contre le pouvoir autoritaire en place avant d'être rejoints par des djihadistes, dont certains liés à la nébuleuse Al Qaïda. Le rôle particulièrement trouble des pays du Golfe et de la Turquie a quelque peu «réussi» à décrédibiliser une révolte légitime au départ. Aujourd'hui la question humanitaire prend les devants de l'intérêt. Sur le terrain les opérations de sauvetage sont difficiles mais possible. Une opération humanitaire, négociée par l'ONU, avait pu être menée durant quelques jours en février. Mais le statu quo actuel ne présage pas d'un début de résolution du conflit. A Genève-2, les efforts surhumains de Lakhdar Brahimi n'ont pas réussi à casser les réticences et à trouver un terrain d'entente entre les belligérants. Les «tireurs de ficelles» n'ont pas daigné peser de leur poids pour faire arrêter la guerre. Il faut dire que les intérêts de ces derniers ne sont pas, pour l'heure, menacés. Les vies de milliers de syriens et l'avenir de ce pays ne pèsent pas géopolitiquement. Même si l'Etat colonial israélien ne voit pas d'un si mauvais œil la destruction de la Syrie. Selon l'ONU, 200 000 personnes sont ainsi bloquées dans les zones contrôlées par le gouvernement et 45 000 dans celles contrôlées par l'opposition. Le conflit qui déchire la Syrie a fait plus de 140 000 morts en près de trois ans et plusieurs millions de déplacés et réfugiés. La tragédie avait pris une dimension dangereuse lorsque les puissances occidentales ont décidé d'intervenir militairement sans mandat de l'ONU avant que Washington ne se ravise face aux risques de déflagration généralisée de la région. Aujourd'hui la guerre en Syrie semble s'installer dans un conflit de basse intensité mais terriblement destructeur pour la nation syrienne. Et les dernières nouvelles ne sont pas bonnes pour le peuple syrien. Les intervenants étrangers continuent de «manipuler» le conflit de façon cynique. L'Arabie saoudite serait en pourparlers avec le Pakistan pour fournir aux rebelles syriens des armes anti-aériennes et antichars capables de renverser l'équilibre sur le terrain. La fin de la tragédie n'est pas pour demain. Ainsi en ont décide «les amis» de la Syrie. M. B.