L'Ordre national des architectes revendique, à juste titre, la place qui lui revient dans la politique de l'urbanisme. Les architectes entendent mettre leur savoir au service de nos villes, nos bâtisses et toutes nos réalisations dont le cachet architectural n'a pas fini d'être bousculé, voire effacé. Un pas a déjà été fait lors de la dernière tripartite qui a confié à l'Ordre national des architectes la charge d'installer des groupes de travail représentant différents secteurs pour le suivi des aspects techniques, urbanistiques et esthétiques dans la réalisation de nouvelles villes et la réhabilitation des vieilles cités. «Le caractère urgent des projets urbains en Algérie depuis les années 1990 a fait que plusieurs erreurs ont été commises. Il est temps de cesser d'opérer dans l'urgence et de rationaliser les dépenses en accordant plus de temps à la phase d'études», a expliqué à l'APS le président de l'Ordre, Djamel Chorfi. C'est un euphémisme et c'est peu dire que de parler d'«erreurs» quand il est question de catastrophes urbanistiques avec ces ensembles immobiliers entiers et ces extensions urbaines où l'esthétique et l'harmonisation sont complètement absentes. Aucune ville, village ou casbah n'a échappé au massacre commis par des responsables incultes et, surtout, dans leur médiocrité, incapables de reconnaitre leur ignorance et d'y pallier en s'entourant de spécialistes qui les auraient conseillés, et auraient évité à nos cités d'être défigurées par de telles horreurs, qu'on aura du mal à effacer. S'inscrivant dans la même bataille, le Syndicat national des architectes agréés algériens exprime l'exigence de redonner à l'architecture sa place en demandant que «le recours à la consultation d'architecture soit la règle et non pas l'exception, et que celle-ci soit avant tout un concours d'hommes de l'art, c'est à dire une manifestation à portée avant tout culturelle et artistique» et qui, à ce titre, doit être affranchie du jugement des offres architecturales dans les consultations d'architecture des critères financiers et la rémunération de la maîtrise d'œuvre. En quelques mots comme en mille, le syndicat demande que l'architecte soit considéré pour ce qu'il est : un artiste créateur doublé d'un scientifique dont le produit doit avoir une échelle de valeur propre prenant en considération tous les savoirs mis à contribution. En effet, l'architecture est une de ces rares activités pluridisciplinaires croisant plusieurs métiers et sciences, même si elle reste proche des arts et de la création. D'ailleurs, jusqu'à un passé récent, l'architecture était rattachée aux Beaux-arts. Car, l'architecte doit maîtriser et utiliser dans la construction un ensemble de disciplines tels la morphologie, l'ornementation, l'harmonie, la couleur, la forme, la composition, la géométrie, l'ornementation. Il est aussi un scientifique qui maniera les chiffres, les règles et les principes mathématiques dans ses calculs. Il a des connaissances en métré, statique, résistance des matériaux, géologie, géographie, écologie... Mais il devra aussi puiser dans différentes sciences telles l'anthropologie, la sociologie, l'ergonomie, la socio-anthropologie, l'histoire. Quand on a autant d'aptitudes, il est de droit de prétendre à un statut, une place et une considération à leur hauteur. Et il est anormal d'être obligé de le revendiquer, surtout quand sont exposées à la vue de tous les preuves matérielles des «crimes» commis par ignorance dans l'aménagement de nos espaces urbains. Il est grand temps de redonner à l'architecte et à l'architecture leur droit de cité, si on veut que le beau, l'esthétique et l'harmonie fassent partie de notre paysage enlaidi par un urbanisme qui a tourné le dos à l'art et toutes ses expressions. H. G.