Des centaines de personnes ont manifesté, hier, dans trois principales villes de Kabylie. À l'appel du RCD, des marches pacifiques, tout juste moyennes en matière de mobilisation, se sont déroulées dans le calme à Béjaïa, Tizi Ouzou et Bouira, pour revendiquer le changement du système politique, la consolidation de la démocratie et l'officialisation de tamazight. Le parti a rappelé, à l'occasion, son option pour le boycott de l'élection présidentielle de demain, jeudi 17 avril 2014. Bien organisées, toutes les manifestations se sont achevées dans la sérénité. Dans ce registre, on peut parler d'une réussite qui mérite d'être soulignée. Cependant, on retiendra qu'on était loin des marées humaines qui marquaient, jusque-là, les grandioses commémorations du Printemps Amazigh. Même si l'on accrédite l'estimation des organisateurs, qui ont annoncé près de dix mille marcheurs dans la ville des Genêts aux côtés de Saïd Sadi, le leader historique du RCD, l'affluence demeure bien en deçà des cortèges interminables qui célébraient d'ordinaire cette fameuse date du 20 avril. Il est vrai que les citoyens de Kabylie ont appris, depuis belle lurette, à faire la différence entre la revendication identitaire, cause commune de tous les Algériens, et les luttes de pouvoir, propres à chaque formation politique. Même si l'initiative émanait d'un autre parti, il lui serait pareillement difficile de drainer des dizaines de milliers de manifestants, en raison justement de cet enjeu de la récupération politique. Lors des événements sanglants de 2001, le mouvement citoyen s'est également refusé toute casquette partisane au risque de se faire discréditer aux yeux de la population. C'est dans ce même esprit que des animateurs du MCB appellent, d'ores et déjà, à des manifestations citoyennes pour le 20 avril prochain, en soulignant qu'aucun slogan partisan ne sera toléré à l'occasion. «Tout participant doit mettre de côté ses propres opinions politiques. La cause Amazigh est un héritage commun à tous les Algériens. C'est un levier, parmi d'autres, pour l'émancipation et l'essor de tout le pays», avertit l'un des promoteurs de ce 34e anniversaire de Tafsut Imazighen. Désormais, il ne sera plus possible d'instrumentaliser les constantes nationales et les spécificités culturelles des régions pour atteindre des objectifs politiques ou personnels. Contrairement à l'apparente résurgence des considérations communautaires et régionales qui agitent présentement les villes du Sud, la lame de fond œuvre, au contraire, à distinguer nettement entre la variable politique et la valeur partagée. La Kabylie a déjà vécu une situation similaire pour tirer les bonnes leçons à ce sujet. À Ghardaïa, Laghouat ou Ouargla, on assiste aux derniers soubresauts des démons du régionalisme. À la veille de l'élection présidentielle, il convient de noter que tous les Algériens, ou du moins l'écrasante majorité, se positionnent nettement contre toutes tentatives de déstabilisation du pays. Les dirigeants en place et leurs opposants sont sommés de bien tenir compte de cette mise en garde consensuelle. Le pays et les valeurs partagées sont progressivement érigés au dessus de la mêlée politicienne. C'est l'avènement d'une conscience nationale renouvelée qui ne tardera pas à corriger pas mal de préjugés et d'idées préconçues. K. A.