Mohamed Rahmani Le béton ayant tout envahi a pris le dessus sur tout à Annaba, ne concédant à dame nature que de maigres espaces qui, au fil des jours, se sclérosent et disparaissent au profit... du béton. On en est même venu jusqu'à utiliser ce matériau composite en lieu et place de la pelouse et des plantes séparant les double-voies en ville, ce sont des sortes de terre-pleins remplis de béton et peints en vert pour donner l'illusion d'espace vert bien entretenu. Un artifice des urbanistes qui ne se soucient guère de l'environnement construisant à tout va des cubes aux dizaines d'alvéoles pour y caser des centaines d'habitants. Une aberration agréée et admise pour ne pas avoir à entretenir ces espaces qui en été se transforment en dépotoir de poussière soulevée par les véhicules qui passent. Poussières qui s'infiltrent dans les habitations à l'origine de désagréments et de difficultés respiratoires pour les enfants en bas âge. Les quelques espaces verts rescapés des actes de vandalisme planifiés et qui survivent encore sont dans un état de dégradation avancé et sont devenus le repaire de malfrats qui font leur loi. Le petit square situé à quelques mètres du palais de la culture baptisé square Stambouli n'est plus ce qu'il était, n'en restent des bancs que l'armature métallique, des semblants de fleurs envahies par la mauvaise herbe, des eaux usées qui se «promènent» sur tout le périmètre et des détritus de toutes sortes traînant un peu partout. Le week-end, cet espace censé être de détente se transforme en marché aux oiseaux, une oisellerie grandeur nature où l'on vend toutes les espèces, chardonnerets, serins, canaris, perroquets et même des chiots. Accessoires de toutes sortes, cages, volières, mangeoires, perchoirs, nids en plastique, graines et CD de chants de canaris y sont exposés et les clients se bousculent. Après le souk, l'image qu'offre le square est triste et désolante : des cartons, des bouteilles en plastique, des restes de victuailles et des saletés jonchent les lieux dont se dégage une forte odeur d'urine qui chasserait le plus hardi des promeneurs. Juste en face, le jardin public El Houria, (Ex-square Randon) réaménagé récemment et dont une grande partie a été dévorée par le béton. Il reste cependant exigu au vu du nombre de promeneurs et de vieilles personnes qui viennent s'y reposer ou se détendre. Il faut dire aussi que, question aménagement, cela avait consisté à bétonner des allées et à planter des fleurs ici et là sans plus et les travaux confiés à une entreprise non spécialisée, qui avait massacré le paysage pour livrer un semblant de jardin avec des bancs en béton installés sans étude. Horticulteurs, paysagistes et jardiniers professionnels n'avaient pas pris part aux travaux d'aménagement encore moins pour l'installation de l'irrigation et l'éclairage et l'entretien se limite à un arrosage périodique confié à des agents de la commune ou au ramassage des détritus et ordures qui traînent. Le jardin public d'El Hattab, l'Edough en face du centre de santé, sont fermés depuis des années et même leurs noms ont disparu. On ne se souvient pas d'y avoir vu un promeneur ou quelque personne assise à l'ombre rafraîchissante d'un arbre. Juste derrière le Consulat de France c'est encore un autre grand jardin public qui est, lui aussi, fermé, bien entretenu. Cet espace public attend toujours ses promeneurs et ses amoureux de la nature. On se contente de passer tout près et parfois s'asseoir sur le rebord du muret surmonté de la grille pour profiter de ses senteurs et de la brise qui caresse ses arbres. En somme, des jardins publics juste pour le décor, pour faire tout comme, sans plus. À El Hadjar, le petit jardin public situé juste à quelques mètres du siège de la daïra où venaient se détendre les habitants et profiter de la verdure et de l'ombre a été «passé par les armes» au grand dam des habitants. Et quelles armes ! Des bulldozers et des pelleteuses mécaniques ont défiguré tout le paysage, pour «utilité publique» nous dit-on, pour construire une station de bus et de fourgons de transport interurbain. Comme si la superficie de cette commune s'est réduite et que l'on ne trouve plus d'espace pour construire cette station. La verdure, la nature, l'air pur, les espaces verts, les arbres, le gazouillis des oiseaux et le chant du vent qui caresse les plantes n'ont pas encore droit de cité. Il faudra encore attendre. Longtemps... M. R.