Le béton a tout envahi à Annaba et on en est même venu à utiliser ce matériau composite en lieu et place de la pelouse et des plantes séparant les double-voies en ville, ce sont des sortes de terre-pleins remplis de béton et peints en vert pour donner l'illusion d'espace vert bien entretenu. Un artifice des urbanistes qui ne se soucient guère de l'environnement construisant à tout va des cubes aux dizaines d'alvéoles pour y caser des centaines d'habitants. Ce qui importe le plus pour les planificateurs, c'est de construire le plus possible et à une cadence accélérée sans tenir compte du cadre de vie auquel ils devraient normalement penser pour créer tout ce qui va avec ce nombre impressionnant de cités qui ont poussé ces dernières années. Les espaces verts à Annaba, 4e ville d'Algérie, se comptent sur les doigts d'une seule main et sont pour la plupart fermés au public. A quoi donc peut servir un jardin public comme son nom l'indique s'il reste fermé toute l'année ? Est-ce juste un décor pour donner l'impression que des jardins existent ou est-ce qu'ils sont réservés juste pour les oiseaux qui y viennent pour construire leurs nids et s'y reproduire ? Le seul jardin public resté ouvert est celui d'El Houria réaménagé récemment, mais dont une grande partie a été dévorée par le béton. Il reste cependant exigu au vu du nombre de promeneurs et de vieilles personnes qui viennent s'y reposer ou se détendre. Il faut dire aussi que question aménagement, cela avait consisté à bétonner des allées et à planter des fleurs ici et là sans plus et les travaux confiés à une entreprise non spécialisée avait massacré le paysage pour livrer un semblant de jardin avec des bancs en béton installés sans étude, au pifomètre comme on dit. Horticulteurs, paysagistes et jardiniers professionnels n'y avaient pas pris part pour les travaux d'aménagement, encore moins pour l'installation de l'irrigation et de l'éclairage et l'entretien se limite à un arrosage périodique confié à des agents de la commune ou au ramassage des détritus et ordures qui traînent. Les vendredis, une partie du jardin se transforme en grande oisellerie à ciel ouvert où l'on vend toutes sortes d'oiseaux, chardonnerets, canaris, perroquets et autres ? On trouve même des chiots. Vers midi, après que tout le monde ait quitté les lieux, des saletés, des restes de victuailles et des bouteilles en plastique jonchent le sol. Le jardin public d'El Hattab, l'Edough ou encore celui en face du Centre de santé sont fermés depuis des années et même leurs noms ont disparu. On ne se souvient pas d'y avoir vu un promeneur ou une personne assise à l'ombre rafraichissante d'un arbre. Juste derrière le Consulat de France, il y a un autre grand jardin public qui, lui aussi, est fermé. Bien entretenu, cet espace public attend toujours ses promeneurs et ses amoureux de la nature, on se contente de passer à proximité et parfois de s'asseoir sur le rebord du muret d'enceinte surmonté d'une grille pour profiter de ses senteurs et de la brise qui caresse ses arbres. Le square Champ de Mars qui a été réaménagé il y a quelques années et rouvert au public fait peine à voir. Plus de 60% de cet espace censé être vert est en béton. Envahi par toutes sortes d'ordures et de détritus, il n'est pas du tout indiqué pour s'y reposer. Des emballages vides, des épluchures de fruits, des sachets en plastique et encore des bouteilles de plastique et des canettes y ont élu domicile. Dans les nouvelles cités construites à la hâte, certaines disposent d'espaces verts avec des aires de détente mais ceux-ci ont très vite été vandalisés et il n'en reste presque plus rien, des arbustes sclérosés, des pelouses piétinées et écrasées et des bancs dont il ne reste que l'armature métallique. A ce jour, aucun projet pour l'aménagement d'un grand jardin public ou d'un parc où les habitants peuvent se promener, s'y retrouver ou passer une journée agréable, n'est prévu. «Nous ne demandons pas un Hyde Park comme celui de Londres mais juste un grand espace pour respirer car nous étouffons dans cette ville, une grande ville touristique comme Annaba», nous dit un habitant amoureux de la nature. M. R.