Les non-alignés, ce groupe de pays qui se réclamait de la neutralité active en pleine guerre froide, qui s'en rappelle ? À se demander encore si, dans ce monde unipolaire, dominé par les Etats-Unis, il restait encore de la place pour ce mouvement depuis la disparition de ses leaders Nehru, Suharto et Tito ? Ce mouvement revient sous les feux de la rampe, à l'occasion de la tenue à Alger, du 26 au 29 mai, de la 17e Conférence ministérielle du MNA. Trois jours durant, cette conférence aura pour thème «Solidarité renforcée pour la paix et la prospérité», avec un ordre du jour ouvert mais centré sur les problématiques de la paix, le développement et la démocratisation des Etats. Les 117 pays membres se rencontrent dans un contexte marqué par la permanence ou la résurgence de conflits remettant en cause les équilibres géopolitiques à l'échelle tant régionale qu'internationale, à l'instar des «Révolutions» arabes depuis 2011, des blocages du processus de paix au Proche-Orient, de l'instabilité sur le continent africain, au Sahel en particulier, ou encore de la crise ukrainienne qui a fait soudain ressurgir le spectre du conflit Est-Ouest et de la guerre froide. Ce conflit latent, marque le retour en force sur la scène internationale de la Russie de Poutine bien qu'étant délestée du rideau de fer. L'exaspération des crises au niveau mondial, dont une guerre froide qui se trame en sourdine, entre l'Occident et la Russie, sur fond de crise ukrainienne. Aussi, Il est attendu de cette conférence de donner au Mouvement plus de vigueur et de cohésion, y compris en lui recommandant de tisser des alliances avec d'autres groupements d'Etats, visant à faire face, de façon solidaire, aux nouveaux défis qui divisent le monde et surtout les pays dits du «tiers-monde». Un but qui avait été recherché au fil des 16 réunions au sommet déjà tenues depuis sa naissance en 1955 par ce mouvement, qui a axé d'abord ses efforts sur les problèmes de décolonisation, de conflits nés de la période de «guerre froide» entre superpuissances et de développement économique harmonieux à l'échelle planétaire. Le Mouvement s'emploie aujourd'hui à apporter la réponse à d'autres défis qui se posent aujourd'hui au monde : conflits internes exacerbés, terrorisme transnational, pandémies, mouvements migratoires illégaux, trafics en tous genres, environnement naturel dégradé, famine, pauvreté, méfaits de la mondialisation, système financier prédateur, retards technologiques, problèmes de gouvernance et de respect des droits humains. Face à ces menaces, les pays non-alignés tentent, ces dernières années, de convaincre les pays industriels de la nécessité de réponses collectives à des problèmes qui, en définitive, finiraient par affecter tout le monde. À la faveur de la réunion d'Alger, les pays non-alignés vont sans doute tenter, par ailleurs, de reprendre l'initiative sur la question relative à la nécessité d'une refondation démocratique de l'ONU. Etant le premier responsable du maintien de la paix et de la sécurité internationales conformément à l'article 24 de la charte de l'ONU, le Conseil de sécurité doit être «complètement réformé», ont préconisé les dirigeants des non-alignés. L'Algérie avait appelé, fin 2013, à un «rééquilibrage en faveur d'une meilleure représentation et participation des pays du Sud», notamment l'Afrique, lors d'une réunion des ministres des Affaires étrangères du mouvement, tenue en marge de l'Assemblée générale de l'ONU. Le non-alignement, qui avait eu le mérite d'accompagner et d'appuyer les peuples d'Afrique, d'Asie et d'Amérique latine dans leurs luttes pour l'indépendance, se réuniront aujourd'hui pour faire le constat de la persistance du problème de la Palestine et du Sahara occidental, sans pour autant pouvoir influer sur le monde pour trouver des solutions à ces problèmes de décolonisation. Lors de sa dernière réunion au sommet, à Téhéran en 2012, le MNA a réitéré la nécessité pour le peuple sahraoui de jouir de son droit à l'autodétermination et à la liberté conformément aux principes et objectifs de la Charte de l'ONU et en application de la résolution 1514 adoptée par l'Assemblée générale le 14 décembre 1960 et relative à l'octroi de l'indépendance aux peuples et territoires colonisés. La question palestinienne a été et demeure toujours au centre des préoccupations du MNA, qui n'a cessé de soutenir les droits légitimes du peuple palestinien à l'autodétermination et à l'instauration d'un Etat indépendant, depuis la première réunion de la Conférence au sommet tenue en 1961 à Belgrade, et les nombreuses initiatives prises au niveau de l'Organisation des Nations unies (ONU) et des organes spécialisés. L'examen de la question palestinienne a été au centre de la Conférence des ministres des Affaires étrangères tenue à Lima au Pérou en 1975, réunion qui a vu l'adhésion de l'OLP en tant que membre à part entière du mouvement. Sur le plan économique, la plus forte concentration de pays après les Nations unies, qui avait appelé à nouvel ordre international ne peut que faire remarquer que l'avènement d'un nouvel ordre économique mondial juste et équitable entre les pays développés du Nord et les pays du Sud nouvellement indépendants, n'est pas pour demain; l'économie mondiale reste dominée par les multinationales, en dépit de l'émergence de la Chine, alors que les échanges Sud-Sud ne sont plus qu'une chimère et n'existent que pour ceux voudront bien y croire. Telle est la réalité aujourd'hui du mouvement des non-alignés, dont les pays membres représentent les deux tiers (2/3) de l'organisation onusienne et comptent 55% des habitants de la planète. A. R.