Front de la sahwa salafiste libre. Nom d'une formation, religieuse évidemment, porteuse d'un projet de société, fondamentalement intégriste, qui n'a nul besoin d'être présenté ni explicité. Elle œuvre pour un retour, à marche forcée si nécessaire, aux fondements de l'islam, autrement dit l'édification de cette utopique «dawla islamiya» (république islamique) chère à tous les partis religieux, dont le FIS dissous, et qui ne reviendra jamais sur scène, affirment les plus hautes sphères de l'Etat. Mais, de fait, il est déjà là, sous d'autres formes et autres dénominations, sans que ces autorités suprêmes ne s'en émeuvent outre mesure ni ne réagissent. Sinon, comment expliquer que l'Etat tolère que des groupes qui, de plus, ne sont pas agréés, s'imposent comme «police des mœurs» ou «législateur», alors que la République a sa police, son Parlement et sa Justice ? Des jeunes se sont érigés en gardiens des mœurs, selon leur définition de la morale, sur les plages et promettent de sévir, sans que ça ne suscite la moindre réaction des autorités ou quelque condamnation de la part des partis. Sahwa a appelé à des rassemblements qui devaient se tenir après la prière de vendredi devant les mosquées d'Alger. L'interdiction des rassemblements et manifestations dans la capitale -souvenons-nous de la répression des petits attroupements de Barakat-, sauf autorisation de la wilaya délivrée uniquement aux formations agréées, ne semble pas concerner ce groupe. Les salafistes, menés par Abdelfattah Hamadache Zeraoui, n'en ont d'ailleurs cure. Ils ont décidé de sortir dans la rue et ils l'ont fait. Tranquilles. Et même si une petite poignée d'inconditionnels a suivi le mot d'ordre et organisé un petit attroupement devant une mosquée algéroise de Belouizdad, l'outrage à la loi est là. L'atteinte à l'autorité de l'Etat est d'autant plus flagrante que Zeraoui et consorts sont sortis pour «dénoncer et condamner ce que va faire le ministre Amara Benyounès en accordant, à nouveau, des autorisations et des licences de bars dans toutes les wilayas du pays». M. Benyounès a réfuté cette information, mais quand bien même il l'aurait fait et que ce soit une mauvaise décision, on ne peut cependant contester la démarche légale d'un gouvernement en recourant à des moyens illégaux et illégitimes, sauf à vouloir changer la législation, avec la bénédiction de ces courants politiques qui surfent sur toutes les vagues pouvant les porter au pouvoir. On a déjà vu ce genre de mariages contre-nature fondés sur des calculs politiciens qui ont fait des ennemis d'hier les alliés d'aujourd'hui. Des soutiens du terrorisme intégriste, qui n'ont jamais fait leur mea-culpa pour ce crime contre le pays et le peuple algérien, sont devenus des partenaires fréquentables qu'on invite au dialogue pour la construction d'une démocratie qu'ils avaient, n'oublions pas, déclaré «kofr». Sahwa et ses avatars moralisateurs ne disent pas autre chose. Seule la manière a changé, dans un premier temps. H. G.