Parce qu'ils ont montré leur désintéressement aux dirigeants dont le seul centre d'intérêt est de s'entredéchirer pour se maintenir au pouvoir ; parce qu'ils ont décidé d'être démissionnaires, voire de se désister totalement de la vie publique et politique du pays car ils refusent d'être uniquement des «votants» et des «citoyens à temps partiel», parce qu'ils ont choisi el harga, les manifestations, la casse et la révolte, les jeunes en Algérie sont accablés. Ils sont accusés, à tort, de ne pas aimer la mère patrie, l'Algérie. Et pourtant! Même si les jeunes ont tourné le dos à la fête de l'indépendance, celle du 1er Novembre ou encore la célébration du 8 Mai 1945, même si ces jeunes ont choisi de mourir au large en s'embarquant dans des barques de fortune, ils n'ont jamais cessé de chanter l'Algérie. «Ya bladi Nabghik wa N'mout aalik (ô mon pays, je t'aime et je donnerai ma vie pour te défendre)», «Dzaïr fi dami (l'Algérie coule dans mon sang)» chantent la génération de l'après indépendance, celle qui n'a certes pas vécue la Guerre de libération nationale mais qui n'a jamais trahi le serment fait par ses aînés. En fait, beaucoup de choses sont exigées de la jeunesse algérienne alors que rien n'est offert en contrepartie. Il lui est demandé d'exprimer son abnégation pour la patrie, de se soumettre et d'accepter les conditions de vie -quelles qu'elles soient- générées par la politique de gestion du pays sans qu'elle n'ait son mot à dire et enfin d'attendre éternellement son tour pour recevoir le flambeau de ceux qui revendiquent leur légitimité historique pour rester au pouvoir. Par définition, être jeune, c'est être fou, fougueux, rebelle, indomptable et impatient... Tout cela a été refusé à notre jeunesse qui malgré cela n'a jamais cessé de vouer un amour sans limites à la patrie. Cet amour, elle l'a montré à plus d'une occasion. Cela a été notamment le cas avec le football. «One, Two, Three, Viva l'Algérie», «Maak ya el khadra, maak ya Dzaïr», c'est en clamant ces slogans que des millions d'Algériens ont sillonné les rues du pays et celles d'autres pays durant des jours et des nuits entières, exprimant leur joie après la qualification méritée du Onze algérien au Mondial, que ce soit en 2010 ou en 2014. Une joie qui a tant manqué à ce peuple dont les larmes ont coulé au quotidien pendant des années. On dit bien que le football est l'opium des peuples partout dans le monde, mais pour l'Algérie, la victoire des Verts a été plus qu'un moment de délire et d'extase. Cette qualification est une renaissance de l'espoir. Au rythme du ballon rond, des millions d'Algériens, unis et solidaires derrière leur équipe, ont exprimé leur amour à la patrie. Notamment les jeunes qui avaient un besoin absolu de s'identifier aux stars de ce sport; de s'approprier la victoire et d'être cette Algérie qui gagne. Le football a offert un espace d'expression tant recherché et a mis en évidence l'amour du vert, blanc, rouge. Cet amour enfoui au fond de chaque enfant d'Algérie ne pouvait que rejaillir à un moment où le peuple algérien exigeait son droit au bonheur. Il avait fait son apparition lors du match contre l'Egypte où tout un peuple avait réagi aux insultes contre l'Algérie, son histoire, ses symboles, ses martyrs et son identité. Le feu qui avait brûlé l'emblème national sur le sol égyptien s'était vite répandu à Alger dont les enfants révoltés ont peint leur pays en blanc, vert et rouge. Il n'y a pas si longtemps aussi, le pays du million et demi million de chahids a été orné des couleurs de l'emblème national en réaction à l'atteinte qui lui a été portée sur le sol du Royaume Chérifien. Ce sont les enfants de ce pays, auxquels il a toujours été reproché de tourner le dos à l'Algérie qui expriment à chaque occasion qui s'offre à eux, leur attachement à la mère patrie. Auparavant, ils n'avaient jamais eu l'occasion d'extérioriser cet amour. A quel moment pouvaient-ils le faire ? Eux qui n'ont vécu qu'au rythme de la rébellion (1988), du terrorisme, des émeutes cycliques et de la Harga. À bien voir donc, le football est plus qu'un sport puisqu'il offre un espace d'expression...tant recherché en Algérie. La participation distinguée des Verts au Mondial a offert et espace d'expression. La magie du football a permis à des millions de supporters de dépenser leur énergie et d'extérioriser leur colère. Elle a permis la communion. Avec le football et les victoires, l'Algérien a renoué avec le rêve! En Algérie donc, les jeunes ont peut être une défiance totale dans l'Etat et ses appendices (organisations politiques et sociales) mais il garde l'amour de la partie, qui à lui seul réussit à unir les Algériens, les mobiliser et les faire soulever comme un seul homme. Et c'est cet amour là qui doit être nourri afin de faire renaître la confiance. Le football a permis de réconcilier le peuple avec sa patrie...son Etat. Il a permis de panser les blessures. Il a permis au drapeau de fleurir dans le terreau algérien générant une solidarité sans précédent et un amour fédérateur extraordinaire. De même que face à l'agression, le sentiment patriotique a refait surface chez les jeunes. La réaction innée les a même poussés à tailler le drapeau national dans leur cœur et à crier à nouveau «bladi nebghik». S'envelopper dans le drapeau algérien est toute une symbolique. Crier fort, à faire briser les tympans, son amour pour la patrie est emblématique. Avec cette attitude, la jeunesse algérienne n'a plus rien à prouver. Tout à attendre. Avec cette attitude, la jeunesse algérienne a montré que quand un peuple décide de se réapproprier sa parole, son histoire, sa culture, son drapeau... rien ne saura l'arrêter. Aux dirigeants de ce pays de comprendre l'appel des jeunes. De prendre conscience de ce cri de détresse dit avec tant d'amour. L'Etat doit alors suivre la cadence donnée par cette dynamique juvénile. Il devra canaliser et capitaliser les forces de ce nouveau phénomène social. Car, aujourd'hui, l'Algérie vit une réconciliation bien autre que celle constitutionnalisée : celle-là est spontanée, volontaire et c'est là où réside la magie de cet événement. La balle est aujourd'hui dans le camp de l'Etat qui devra s'adresser à ses enfants, les rassurer et leur tendre la main. C'est là peut être la dernière chance offerte par unejeunesse désabusée à ses dirigeants pour renouer le dialogue, reconstruire quelque chose ensemble. Car la victoire des Fennecs a certes été un exutoire. Mais pour combien de temps ? Ce n'est là qu'un entracte qu'il faut utiliser à bon escient. La flamme qui s'est allumée doit être continuellement nourrie et alimentée afin qu'elle ne s'éteigne plus jamais. H. Y.