Photo : Riad Par Hasna Yacoub «One, two, three, viva l'Algérie», «Maak ya el khadra, maak ya Dzaïr», c'est en clamant ces slogans que des millions d'Algériens ont sillonné les rues de la nation et celles d'autres pays durant des jours et des nuits entières, exprimant leur joie après la qualification méritée du onze algérien au Mondial 2010. Une joie qui avait tant manqué à ce peuple dont les larmes ont coulé au quotidien pendant des années. On dit bien que le football est l'opium des peuples partout dans le monde, mais pour l'Algérie, la victoire des Verts a été plus qu'un moment de délire et d'extase. Cette qualification est une renaissance de l'espoir. Au rythme du ballon rond, des millions d'Algériens, unis et solidaires derrière leur équipe, ont exprimé leur amour à la patrie. Notamment les jeunes qui avaient un besoin absolu de s'identifier aux stars de ce sport, de s'approprier la victoire et d'être cette Algérie qui gagne. A bien y voir, donc, le football est plus qu'un sport puisqu'il offre un espace d'expression… tant recherché en Algérie. L'histoire récente et saignante du pays est là pour le confirmer. La rébellion de 1988, les années de terrorisme, les émeutes cycliques, tous les printemps vert et noir, la violence dans les stades, le phénomène des harraga… témoignent de la rage d'une jeunesse qui n'aspirait qu'à être écoutée. La qualification des Verts au Mondial a offert cet espace d'expression. La magie du football a permis à des millions de supporters de dépenser leur énergie et d'extérioriser leur colère. Elle a permis la communion. Avec le football et les victoires, l'Algérien renoue avec le rêve ! Jamais dans l'histoire de l'Algérie indépendante, des Algériens n'étaient morts de bonheur. Le 18 novembre dernier, cela est arrivé ! Jamais de mémoire d'Algérien, le pays n'avait été entièrement drapé avec les couleurs nationales. Le 18 novembre dernier, toute l'Algérie était en vert, blanc, rouge. Le football a permis de réconcilier le peuple avec sa patrie… son Etat… son pouvoir. Il a permis de panser les blessures qui saignent depuis des années. La réconciliation qui s'est produite n'est pas institutionnelle, c'est un référendum spontané, volontaire et c'est là que réside la magie de cet événement. Il s'agit d'une dynamique propre qui a mis en avant le sentiment patriotique. Un sentiment qui a été exaspéré par l'attitude abjecte et vile des Egyptiens, il faut le rappeler et ne jamais l'oublier. Ces derniers ont voulu usurper la victoire méritée de Antar Yahia et des siens, voler au peuple algérien son droit au bonheur. Les Egyptiens, peuple et Etat, se sont alignés pour insulter toute l'Algérie avec son histoire, ses symboles, ses martyrs et son identité. La mémoire d'un million et demi de chouhada a été souillée et l'emblème national pour lequel le peuple a lutté durant plus d'un siècle a été brûlé. Plus grave encore et c'est ce qui restera à jamais marqué dans la mémoire collective, le comportement voyou des Moubarak dont l'un des fils a qualifié les Algériens de terroristes. Tout ce venin égyptien déversé sans discontinuer a arrosé le terreau algérien où ont fleuri une solidarité sans précédent et un amour fédérateur extraordinaire. Car le commun des Algériens a vite compris que ce qui ne devait être qu'une simple compétition sportive avait largement dépassé l'espace d'un terrain footballistique. Il a compris qu'il ne s'agit plus d'une réaction de supporters égyptiens déçus et désespérés mais plutôt d'un complot piloté par un régime égyptien aux abois. Un régime qui avait besoin d'une qualification au Mondial pour canaliser la colère de ses masses mais surtout pour les préparer à avaler «la pilule» du legs du pouvoir de Hosni à Alaa. Face à l'échec du onze égyptien, le pouvoir de Moubarak n'a pas trouvé mieux que de se créer un ennemi : l'Algérie, source de malheurs des Egyptiens. Il ne s'agit là que d'une fuite en avant et les Egyptiens ne vont pas tarder à se réveiller. Et alors que l'Egypte commence à faire face à ses crises, l'Algérie récolte les fruits de l'exaspération du sentiment patriotique chez les jeunes. Une exaspération, comme nous l'avons déjà dit, qui a poussé le jeune Algérien agressé à se protéger, défendre ses symboles et son pays. Cette réaction innée l'a même poussé à tailler le drapeau national dans son cœur et à crier de nouveau «bladi nebghik». Il l'a crié tellement fort (après un si long silence qui a laissé penser que la plaie ne se cicatriserait jamais) qu'il a dû déchirer les tympans des pouvoirs publics. La symbolique ? Evidente. Quand une jeunesse démontre son attachement au pays et sa disposition à le défendre après une longue rupture avec ses dirigeants, cela implique qu'elle est prête à faire table rase du passé et à offrir une seconde chance au pouvoir. Encore faudrait-il que ce dernier ait pris conscience de ce cri de détresse dit avec tant d'amour. On l'espère car il s'agit là d'une dernière chance que la jeunesse offre aux pouvoirs publics pour reconstruire quelque chose ensemble. L'Etat, représenté dans la personne du président de la République, devra s'adresser à ses enfants, les rassurer et leur tendre la main en leur proposant un programme ambitieux qui répondra à leur attente. Il devra d'abord théoriser et comprendre ce phénomène social de réconciliation spontanée et volontaire qui vient de se produire afin de pouvoir ensuite capitaliser les forces juvéniles. Car la victoire des Fennecs a, certes, été un exutoire. Elle a occulté le malaise des jeunes. Mais pour combien de temps ? Ce n'est là qu'un entracte qu'il faut utiliser à bon escient. Parce qu'il ne suffit pas de mobiliser des avions pour un match à Khartoum mais il faut créer des ponts aériens pour des lendemains meilleurs dans une Algérie meilleure.