«Halima» est revenue à ses vieilles habitudes. Ce classique aphorisme dit ce qu'il veut bien exprimer : les dirigeants arabes, notamment ceux du Moyen-Orient, succombent toujours, irrésistiblement, aux démons de la division. A Koweït, quatrième réunion de la désunion arabe en moins d'une semaine, les chefs d'Etat n'ont pas été en mesure de s'entendre sur un communiqué final. Encore moins sur la création d'un fonds de reconstruction de Ghaza. Naturellement, ils se sont «engagés à apporter toute forme de soutien au peuple palestinien». Vague formulation traduisant l'impuissance d'être précis et clair. Et, autocélébration de bienfait oblige, ils «se sont félicités des contributions annoncées jusqu'à présent». Fallait-il pour autant se glorifier d'avoir fait son devoir de solidarité minimale ? A moins qu'il s'agisse de s'acheter une bonne conscience à moindre coût. Le citoyen arabe lambda aurait dit, lui, qu'il est question peut-être de charité bien ordonnée. A Koweït, il y a eu pour la photo l'affichage d'une factice réconciliation entre dirigeants locaux. Les sourires et les formules de circonstance avaient du mal à masquer les divergences de fond. Et le fond de l'affaire, c'est l'incapacité des chefs d'Etat arabes à s'entendre sur la question essentielle à l'ordre du jour : le fonds de reconstruction. D'ailleurs, la déclaration finale ne pipe mot sur l'opération militaire israélienne. Elle ne fait aussi aucune référence aux mécanismes de la reconstruction. Affligeant. Et il faut bien se rendre à l'évidence, dans la capitale koweïtienne le fantôme de Hamas hantait les travées du sommet. Loin de résorber les divisions flagrantes apparues depuis le déclenchement de l'apocalyptique «Plomb Durci» israélien, la réunion de Koweït a révélé au marqueur la nouvelle ligne de fracture dans le monde arabe. Elle a donc confirmé le grand fossé séparant désormais les pays pro-américains hostiles au mouvement Hamas et ceux qui le soutiennent franchement, dont le Qatar et la Syrie. Pour l'instant, on se contentera de promesses financières d'autant plus généreuses qu'elles sont ostensiblement affichées. A ce propos, un esprit français cynique avait dit un jour que les promesses engagent rarement ceux qui les formulent. On le voit bien, en effet, avec l'aide dans le cadre de la Ligue arabe où seuls quelques pays, dont l'Algérie, sont à jour de leurs contributions. Et, si elle a buté sur les mécanismes de fonctionnement du fonds de reconstruction de deux milliards de dollars, la réunion a également achoppé sur un réengagement en faveur du caduc plan de paix arabe, d'inspiration saoudienne, et dont Israël n'en veut même pas. Reste que le vrai défi est ailleurs. Et il est énorme. A Koweït, le président Bouteflika avait bien raison de souligner que l'urgence arabe absolue consiste à reconstruire Ghaza dévasté, l'unité palestinienne et le consensus arabe dont le ciment devrait être la cause palestinienne. Enormes travaux d'Hercule ! Concrètement, il faut faire face à l'urgence humanitaire et à la reconstruction de Ghaza. La réalisation de ces deux objectifs dépend essentiellement d'Israël qui aura le souci de contrôler le grand chantier de Ghaza. En toile de fond, le souci obsessionnel d'obtenir de la communauté internationale des «garanties» qu'aucun projet ne renforcera Hamas. Délirium tremens sécuritaire sachant que les pays occidentaux, l'ONU, l'Union européenne et la plupart des pays arabes ne veulent pas traiter avec le mouvement islamiste qui contrôle pourtant Ghaza. S'agissant, enfin, du vaste chantier de restauration de l'unité palestinienne, le chef de l'Etat algérien parle de sagesse lorsqu'il martèle l'évidence de «reconstruction de l'unité nationale palestinienne autour d'une stratégie commune». A Koweït, sa voix fut la seule à s'élever pour souligner l'urgence de la «recherche d'une solution aux divergences qui minent l'unité et la cohésion des Palestiniens». Si sa voix fut unique, c'est sans doute parce que l'Algérie est la seule en mesure de parler à toutes les factions palestiniennes. D'avoir aussi leur écoute. Sur Al Jazira, le représentant de Hamas au Liban abondait dans ce sens. Il a suggéré qu'Alger est seul à pouvoir accueillir une réunion de régénération du consensus palestinien. N. K.