Les Etats arabes ont, une fois de trop, prouvé leur incapacité à peser, ne serait-ce qu'un tout petit peu, sur les événements. Sans prise aucune sur les préoccupations de l'heure, ils continuent d'évoluer en marge de l'histoire en s'astreignant à jouer les petits rôles. Pourtant, la région dispose de tous les atouts imaginables pour imposer ses objectifs et défendre brillamment ses intérêts. Malgré la mobilisation exemplaire des opinions nationales et l'extrême urgence de la situation humanitaire qui prévaut à Ghaza suite aux horreurs perpétrées par l'armée israélienne, la fameuse Ligue arabe n'arrive pas à se dépêtrer de ses propres contradictions pour faire entendre la voix des peuples qu'elle est censée représenter. Les résultats médiocres du sommet de Koweït-City confirment cette tendance des leaders arabes à faire les «valets» et à défendre avec zèle les intérêts des puissances étrangères qui les maintiennent au pouvoir. Il faut souligner que le contexte dramatique de cette rencontre se prêtait parfaitement à un sursaut d'«orgueil», d'autant plus que le rapport de forces était aussi favorable à une position forte qui traduirait l'ébullition de l'opinion publique internationale en signe de soutien au martyre du peuple palestinien. En dépit de cette opportunité historique, il s'est trouvé quand même des «modérés minoritaires» pour chercher des poux sur la tête de la résistance palestinienne qui a riposté, dans la limite de ses moyens rudimentaires, à l'agression barbare de l'entité sioniste. Cet axe, accroché bêtement aux chimères d'une paix maintes fois enterrée par Israël, ne propose aux patriotes palestiniens –et par extension à la nation arabe toute entière- que la reddition avec armes et bagages. Ne voulant en aucun cas renoncer à leur leadership vieillissant, ces artisans de l'éternelle défaite arabe refusent toujours de se rendre à l'évidence. L'autre tendance réfractaire que l'on peut qualifier de «nationaliste» reste suspendue à de vieilles idées, et se montre incapable de réformer ses idéaux et ses principes à la lumière des développements qui se sont produits sur la scène internationale depuis la fin des années 1980. Même s'il bénéficie de l'adhésion la plus large au sein des masses, ce fragile «front du refus» souffre d'une carence intellectuelle à même d'éclaircir ses choix et d'actualiser ses stratégies. Ce handicap majeur l'empêche évidemment de prendre les devants pour se substituer à une vieille garde complètement asservie. Ce statu quo paralyse depuis longtemps les relations interarabes et met en péril les intérêts de la nation. Lors de sa remarquable intervention au sommet économique de Koweït-city, le président algérien, Abdelaziz Bouteflika, a mis le doigt sur cette dangereuse défaillance des élites politiques du monde arabe. «La communauté arabe souffre de la division de ses rangs. Cet affaiblissement est exploité par nos ennemis et nos adversaires. Il est de notre devoir politique et moral d'assumer nos responsabilités pour mettre rapidement un terme à cette situation qui ne doit pas détourner nos frères palestiniens de la mission historique qui est la leur, à savoir la libération de la Palestine», a-t-il déclaré à ses pairs. Pour concrétiser cet objectif, Bouteflika plaide pour l'adoption des aspirations véritables de la rue arabe et l'action commune pour la réalisation des ambitions légitimes des peuples de la région. Cela passe nécessairement par la réforme et la démocratisation réelle des institutions communautaires. Comme tous les autres groupements régionaux, la Ligue arabe doit se moderniser ou disparaître. S'inspirant de la résistance héroïque des combattants palestiniens face à l'oppression sioniste, le président algérien écrit : «En relevant le défi de la résistance à l'aune des agressions les plus sanglantes et les plus meurtrières de notre temps, le peuple palestinien a été de nouveau au rendez-vous de l'histoire. Sa vaillante résistance et sa dignité lui ont valu, partout à travers le monde, l'admiration, la considération et l'estime de larges franges de l'opinion publique internationale et de tous ceux qui défendent les valeurs de justice et les idéaux de paix à travers le monde.» En effet, la résistance palestinienne, malgré toutes ses faiblesses, montre le chemin à suivre pour rendre au monde arabe sa dignité perdue. Car, ajoute toujours Bouteflika, «la cause d'un peuple n'est jamais perdue, en dépit de toutes les vicissitudes et de tous les aléas». Cette sentence pleine d'espoir reste valable pour la Palestine, mais aussi, et surtout, pour la nation arabe toute entière. K. A.