À voir les bilans présentés par les nombreux ministres qui se sont succédé à la tête du ministère de la Santé, il semblerait que le secteur a réalisé d'énormes progrès. De même qu'à entendre les promesses faites que ce soit par ces mêmes responsables ou encore celles ambitionnées dans le programme électoral du chef de l'Etat, le secteur de la santé devra alors se hisser à un niveau qui frôlerait la perfection. Pourtant la réalité est toute autre ! Pas plus tard qu'hier et aux services des soins intensifs des urgences de l'Hôpital Mustapha-Pacha, un garde-malade s'est vu dans l'obligation d'appeler ses connaissances pour ramener un médicament à cause d'une rupture de stock au niveau de la pharmacie centrale de cet établissement hospitalier. Et pourtant, il y a moins d'une semaine le responsable des produits pharmaceutiques au ministère de la Santé a été catégorique «le médicament est un produit stratégique au même titre que la sécurité alimentaire. L'approvisionnement et la régulation sont toujours maîtrisés puisque le programme prévisionnel d'importation et de production est établi à l'avance». Il a même indiqué que selon les recommandations de l'OMS, chaque pays doit avoir une liste de 700 médicaments alors que l'Algérie «dispose de 5 000». Une liste de 5 000 médicaments au lieu de 700 est certes une bonne nouvelle, mais faut-il encore que le médicament soit disponible en temps et en lieu réel, lorsqu'un malade en a besoin. Les dysfonctionnements sont malheureusement légion en matière de santé. Si les horaires d'ouvertures des établissements de santé publique de proximité (ESP) ont été revus pour être fixés de 8h jusqu'à 20h, il faut dire que dans ces établissements, les pansements ne sont pas changés durant le week-end. «Nous sommes vendredi, il faut aller aux urgences de l'hôpital le plus près de chez-vous, pour changer votre pansement», explique un homme en blouse blanche qui était de permanence dans un ESP de la capitale à un malade. Ce dernier insiste, mais le refus est sans appel «c'est une instruction de notre ministre» ! Et la meilleure situation est sûrement celle de ce malade qui venait de se fouler le pied et qui a passé une journée à chercher un service de radiologie fonctionnelle. Il traînera, porté par des amis, d'un service à un autre, pendant plusieurs heures avant de finir à l'hôpital Maillot où enfin une prise en charge lui a été apportée. Le calvaire de ce malade ne s'arrêtera pas là puisqu'une quinzaine de jours d'immobilisation n'avait pas réglé le problème du pied, toujours enflé. Orienté vers un service d'orthopédie, le malade se voyait demander à chaque fois, une radiologie à effectuer «de préférence», comme le disaient les médecins, dans des centres d'imageries privés ! C'est généralement ces dysfonctionnements et bien d'autres qui font que certains patients désertent les établissements publics et choisissent d'aller se soigner chez le privé. Certains et pas tous pour une raison de coût car chez le privé, retrouver une santé ça chiffre et en milliers de dinars ! Il faut donc être riche pour se soigner chez le privé car pour ce qui est du remboursement, il ne faut pas rêver ! En fait, l'Etat a bien mis en place une carte Chifa pour les fonctionnaires afin que ces derniers puissent se faire soigner et ne payer que 20% du coût. Dans la théorie, un malade peut se diriger chez son médecin traitant, se faire prescrire une ordonnance et ne payer que 20% de la visite médicale. Au niveau de la pharmacie, même scénario, il récupère ses médicaments et ne débourse que les 20% du prix. Mais pour cela, médecins et pharmaciens doivent être conventionnés avec la Caisse nationale d'assurances (Cnas). Le problème qui se pose, c'est que très peu de médecins ont accepté la convention Cnas. Ces derniers, notamment les praticiens spécialistes, contestent les honoraires des consultations entrant dans le cadre de la convention médecin traitant-Cnas qui sont de 400 DA chez le généraliste et de 900 DA chez le spécialiste. Ils les ont même qualifiés d'«avilissants». Mais selon le directeur général de la sécurité sociale au ministère du Travail, de l'Emploi et de la Sécurité sociale, qui est intervenu, il y a quelques temps sur les ondes de la Radio nationale, «il y a eu des honoraires qui ont été fixés suite à une étude qui a été menée et des sondages qui ont été effectués au niveau de toutes les wilayas du pays». Ce responsable avait affirmé que «les 400 DA sont majorés de 50%. Il y a des incitations financières pour faire arriver la consultation chez un généraliste à 600 DA et à 900 DA les consultations chez un médecin spécialiste. D'autre part, il y a d'autres mesures incitatives qui sont intégrées dans cette convention». Tout le monde sait qu'une quelconque visite médicale chez un spécialiste coûte au minimum 1 200 DA et ce prix là ne prend pas en compte le prix d'une radiologie, d'un cardiogramme, d'une mammographie... L'autre problème qui se pose pour un assuré social en possession d'une carte Chifa est l'achat des médicaments. En effet, ce dernier ouvre droit à deux ordonnances par trimestre, plafonnée chacune à 3 000 DA. Autrement dit, l'utilisation de la carte Chifa est limitée à deux ordonnances dont la somme numéraire globale est de 6 000 DA durant les trois mois. Dépassée cette somme ou ce nombre d'ordonnance, l'assuré est contraint de passer au mode classique par le payement en espèce des médicaments et le remboursement se fera après traitement du dossier. Une contrainte réelle à laquelle ont été confrontés plusieurs malades notamment les opérés. Ces derniers se voient prescrire des médicaments atteignant les 10 000 DA (8 à 10 boîtes de Lovenox par exemple) et se doivent de les acheter et attendre le traitement de leur dossier par la Cnas alors que dans la majorité des cas, ils sont déjà en train d'attendre le paiement de leur salaire, bloqué par leur employeur en raison du congé de maladie. Quelle solution s'offre donc aux malades qui n'ont pas les moyens de «se payer» une santé ? Ces derniers cotisent toute leur vie auprès de la Cnas et en se rendant à l'hôpital, ils sont confrontés à des insuffisances criardes. Ils doivent débourser de l'argent pour faire leurs analyses, leurs radios etc. Ils doivent se «bagarrer» pour bénéficier d'un lit d'hôpital, faire «actionner» leurs connaissances pour avoir droit à une prise en charge «dans les normes» et pour conclure s'endetter pour acheter les médicaments en attendant que leur dossier soit traité par la Cnas alors que leur salaire est déjà bloqué par l'employeur en raison de leur congé de maladie ! Ne dit-on pas que la santé n'a pas de prix, mais a un coût. La maîtrise de cet élément peut servir à financer des projets d'équipement ou autres pour que la santé ne soit plus l'objet d'interminables récriminations. H. Y.