Ce n'est pas vraiment le cas, mais la crise politique, née du coup d'Etat contre Amadou Toumani Touré en 2012, n'a pas cessé de s'aggraver malgré le retour à la table des négociations des principaux acteurs politico-militaires maliens : le gouvernement de Bamako et les groupes politico-armés du Nord. L'optimisme affiché par les uns et les autres au début du dialogue inclusif inter-malien d'Alger semble s'effilocher à mesure que le temps passe. Le retour des djihadistes, dans une tentative de reprendre du terrain dans certaines zones du Nord-Mali, a beaucoup affecté le moral des Maliens, qui ont dénoncé au passage le retrait des troupes françaises de ces régions au lendemain de leur brève victoire contre Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), Ansar Eddine et le Mouvement pour l'unicité et le djihad en Afrique de l'Ouest (Mujao). Mais c'est surtout la tournure des évènements à Alger qui a pris tout le monde de court et fait croire aux opposants à tout dialogue avec les groupes du Nord à l'existence d'un complot parrainé par Alger et ses partenaires pour diviser le pays. La troisième phase du dialogue inclusif d'Alger devait, en réalité, approfondir le débat sur les questions politico-sécuritaires, dont le règlement allait permettre l'ouverture d'une nouvelle ère dans la vie politique malienne, en mettant fin à ce vieux contentieux opposant Bamako aux populations touarègues et arabes du Nord, et qui se font appeler les peuples de l'Azawad. Mais les deux délégations sont reparties au bout de trois jours, ayant déjà entamé ce troisième round avec deux jours de retard. Officiellement, la suspension des discussions est justifiée par la mise en œuvre d'un document de base qui a été soumis pour étude par la médiation algérienne, sous l'égide de l'ONU, de l'Union africaine et de la Communauté économique et de développement de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao). En réalité, la dégradation de la situation sécuritaire dans le Nord-Mali a perturbé le déroulement de cette troisième phase, même les groupes du Nord ont accepté la lecture dudit document et sa soumission au débat avec les populations qu'ils affirment représenter. Il en était de même pour le gouvernement malien qui a entamé, à son tour, une campagne d'explication du contenu du document proposé par Alger. Deux semaines sont passées depuis, et rien ne semble aller pour le mieux à Bamako et dans le territoire de l'Azawad, où le cessez-le-feu a été violé à maintes reprises. Pis, une nouvelle guerre a été déclarée par le groupe d'auto-défense des touareg de l'Imghad et alliés (Gatia) aux mouvements du Nord, dominés par le Mouvement national pour la libération de l'Azawad (Mnla) et le Mouvement arabe de l'Azawad (Maa). Dès sa création en août dernier, le Gatia a ouvertement affiché son soutien aux autorités de Bamako et compte avoir sa place dans le dialogue d'Alger, rejetant toute représentativité du Mnla et du Maa, réunis au sein de la Coordination des mouvements de l'Azawad avec trois autres mouvements armés. Ces violences ont quelque peu bloqué le dialogue d'Alger, qui devait pourtant reprendre au courant de cette semaine. À ces violences entre groupes armés interposés, s'y ajoute le rejet total du document de base d'Alger. Les Maliens, y compris les partisans du président Ibrahim Boubacar Keïta, crient à la trahison et demandent la suspension du dialogue d'Alger, qu'ils considèrent comme une véritable supercherie. Pour eux, le Mali se dirige droit vers le mur dans le cas où les principaux acteurs signeraient le document proposé par la médiation. Rassemblés au sein d'un collectif, dénommé Mali et Tita, une quarantaine d'associations et d'organisations de la société civile affirment s'opposer farouchement à l'adoption de ce document, considéré comme la synthèse du travail des commissions installées lors des deux précédents rounds de pourparlers. Selon ce collectif, les articles inscrits dans le document de synthèse sont un prélude pour le démantèlement du Mali, alors que la feuille de route d'Alger, du 27 juillet 2014, avait imposé le respect de l'unité territoriale du Mali comme une condition préalable à l'ouverture de tout dialogue entre Bamako et les mouvements armés du Nord. L. M.