Le ministre de la Justice, garde des Sceaux, Tayeb Louh, a indiqué hier, en marge d'une séance plénière de l'Assemblée populaire nationale (APN), qu'un des terroristes qui ont assassiné, fin septembre dernier, le ressortissant français Hervé Gourdel a été éliminé par les forces de l'Armée nationale populaire lors d'une opération antiterroriste menée en octobre dernier. «L'enquête préliminaire dans cette affaire a permis d'identifier un nombre de terroristes responsables de l'enlèvement et de l'assassinat du touriste français, parmi lesquels figure le terroriste éliminé par les éléments de l'ANP», a-t-il précisé. Pour rappel, le ministre de la Justice a déjà annoncé à la télévision algérienne, une semaine après l'assassinat de l'otage français, que les ravisseurs avaient été identifiés. Tayeb Louh avait alors déclaré que «les premiers éléments de l'enquête ont permis d'identifier certains des membres du groupe terroriste auteurs de ce crime». Ces derniers, rappelons-le encore, se sont montrés, visages cachés, sur la vidéo dévoilant la décapitation du défunt Hervé Gourdel. Ils se sont revendiqués de Jound Al Khilafa (les soldats du califat), un groupe dissident d'Al-Qaïda au Maghreb islamique qui vient de rallier Daech (EI : Etat Islamique). Le leader de cette branche de Daech en Algérie est Gouri Abdelmalek, dit Khaled Abou Souleymane. Il était le commandant d'Aqmi pour la région centrale et a été condamné à mort par contumace en 2008 pour plusieurs attentats. Ce dernier a décidé de la décapitation d'Hervé Gourdel après l'expiration de l'ultimatum qu'il a fixé à l'Etat français. Jound El Khilafa avaient menacé de tuer l'otage si la France ne renonçait pas «sous 24 heures» à ses frappes aériennes en Irak, un ultimatum rejeté le lendemain par le président François Hollande. Pour revenir aux déclarations du ministre de la Justice, il est à souligner que M. Tayeb Louh s'est prononcé sur un autre sujet à savoir l'enquête sur l'assassinat, en 1996, des moines de Tibhirine. A ce propos, il a fait savoir que «la mission de la justice algérienne dans cette affaire, comme dans d'autres, est d'œuvrer dans le cadre de la loi pour faire éclater la vérité dans la pondération et conformément aux us et traditions en vigueur en la matière». «Cette Affaire est soumise au niveau du pôle judiciaire compétent du tribunal de Sidi M'hamed et le juge d'instruction fait le nécessaire conformément à la loi», a-t-il enchaîné, assurant que la coopération entre la justice algérienne et son homologue française «se déroule dans de bonnes conditions». «Il y a une coopération entre la justice algérienne et la justice française sur plusieurs affaires. Les deux parties travaillent dans le respect de la loi et de la souveraineté de chaque Etat et sur la base des accords judiciaires liant les deux pays», a encore soutenu M. Louh. C'est exactement ce qu'ont déclaré les autorités françaises, par la voix notamment du ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius, qui ont nié tout blocage de la part des autorités algériennes sur le dossier et ont qualifié les conditions dans lesquelles le juge Trévidic a mené sa mission de «satisfaisantes». Mais, le magistrat français en charge de l'affaire de l'assassinat des sept moines de Tibhirine qui avait conduit du 12 au 19 octobre dernier une mission en Algérie pour exhumer et autopsier les têtes des sept moines assassinés en 1996, a parlé de «blocage» et de «refus» d'Alger pour le transfert des échantillons en France pour analyse. Le magistrat a déclaré que «les autorités algériennes porteront une lourde responsabilité si elles persistent à bloquer l'enquête sur le meurtre des moines de Tibhirine en s'opposant à l'analyse, dans des conditions satisfaisantes, des prélèvements effectués sur les corps des victimes». Il a également annoncé qu'il allait lancer dans les prochaines semaines une nouvelle commission rogatoire internationale pour «placer les autorités algériennes devant leurs obligations morales». Le magistrat tente de contourner «le refus» des autorités algériennes en relançant la procédure et en proposant que des experts algériens collaborent avec leurs homologues français lors de la conduite des analyses, ou qu'«une équipe française soit autorisée à repartir en Algérie avec du matériel scientifique adapté». Rappelons que l'Algérie avait proposé de permettre aux experts qui accompagnaient le juge Trévidic d'assister aux analyses mais le juge avait émis un doute sur la compétence des Algériens. Il a d'ailleurs déclaré sur France Inter : «On nous dit que les experts algériens sont très compétents, je veux bien le croire... Ce sont des expertises très pointues, très techniques, il faut du matériel très sophistiqué. Si on nous donne l'assurance absolue qu'ils sont capables de le faire -ce n'est pas du tout ce que j'ai compris quand j'étais là-bas- je veux bien.» À préciser enfin que pour la justice algérienne, il n'est nullement question de refus mais de respect des procédures. Pour la justice algérienne qui, a également ouvert une enquête sur l'assassinat des moines, les pièces d'une procédure judiciaire ne peuvent être transférées; elles doivent rester dans le dossier. H. Y.