De notre correspondant à Oran Samir Ould Ali A l'évidence, toutes les parties touchées par l'inquiétante situation du secteur de l'Education ont décidé de surseoir aux différends qui les opposent pour ne pas compromettre davantage -pour autant que cela soit encore possible- l'avenir des élèves. En tout cas, le débrayage auquel le CNAPEST et l'UNPEF ont appelé la semaine dernière n'a pas été suivi par les enseignants et il ne semble pas que des actions soient prévues dans l'immédiat par ces syndicats, qui avaient réussi à paralyser une bonne partie des établissements scolaires lors de la grève du mois de mars dernier. Un mois plus tôt, on s'en souvient, l'autre syndicat autonome, le SNAPEST, était parvenu à mobiliser ses troupes pour un arrêt des cours qui avait sérieusement perturbé un programme déjà gravement compromis par les grèves de l'automne 2009 et les interruptions provoquées par les matches de l'équipe nationale de football. Au final, aucun des trois paliers de l'éducation ne semble être venu à bout d'un programme scolaire très chargé -pas toujours intelligent- au grand désespoir des élèves et de leurs parents. Les candidats au baccalauréat sont, évidemment, les plus affectés par cette situation et avouent ne pas comprendre que le ministère de l'Education nationale ne consente ni à l'allègement du programme ni à la tenue d'une deuxième session du baccalauréat : «Nous voulons que notre programme soit réduit parce que, avec la multiplication des grèves, nous avons accusé un sérieux retard et il nous est impossible de le suivre dans de bonnes conditions […] Même à un rythme démentiel, nous ne pouvons pas rattraper le retard. Le ministère doit nous venir en aide et alléger les cours. Autrement, ce n'est pas possible!» avaient-ils imploré en février dernier en sortant dans la rue pour dénoncer le blocage des négociations entre les syndicats grévistes et leur tutelle. Si, dans ce vaste désastre aux répercussions probablement encore imperceptibles, les élèves et leurs parents mettent syndicats et Etat dans le même panier, beaucoup déplorent les conditions socio-économiques indignes dans lesquelles l'enseignant évolue et reconnaissent volontiers la légitimité et la justesse des revendications des organisations syndicales : «A ma connaissance, souligne le père d'un collégien, l'enseignant algérien est le moins bien loti dans les pays du Maghreb, en tous les cas, sa condition de vie n'est pas très enviable. Et je ne pense pas que les menaces de ponctions sur salaires ou le recours à la justice soient la meilleure réponse à apporter à des mouvements de grève que la loi garantit comme un droit constitutionnel ; surtout que le ministère lui-même a reconnu la légitimité de ces doléances.» Pour notre interlocuteur, qui, comme beaucoup de parents d'élèves, ne cache pas son désarroi, il est impératif que le ministère de l'Education nationale et les syndicats règlent définitivement ces différends «parce qu'ils resurgiront dans les prochaines années et ce seront encore les élèves qui seront pris en otages. De toutes les manières, quelles que soient les mesures qui seront prises ces prochains jours, la saison scolaire ne sera pas sauvée, même si tous les élèves réussissent à accéder aux classes supérieures.» On le voit, pour certains parents d'élèves lucides, il ne s'agit pas tant de sauver cette saison scolaire que de prémunir leurs enfants contre un avenir incertain où les enseignants continueraient de faire grève, le ministère refusant toute négociation : «Et pour cela, nous sommes appelés à revoir le mode de fonctionnement de la Fédération nationale des associations des parents d'élèves [FNAPE] dont les responsables se sont, jusqu'ici, plus consacrés à la défense du ministère que des droits bafoués des élèves.» Ces parents avouent que, pris dans le tourbillon des soucis quotidiens, ils en ont oublié jusqu'à leur rôle dans la vie scolaire de leurs enfants, laissant ainsi la place au néant quand ce n'est pas aux indus occupants : «De nombreux établissements scolaires ne disposent pas d'une association de parents d'élèves, ce qui est compréhensible vu les problèmes socio-économiques que nous vivons mais inacceptable si l'on veut contribuer à sauver l'école.» Il est vrai que, par-delà les conflits qui empoisonnent régulièrement les rapports entre les enseignants, les syndicats et la tutelle, et la démission malheureuse ou l'impuissance avouée des parents d'élèves, l'école se retrouve aujourd'hui incapable de former les compétences de demain : personnel sous-qualifié, manque de moyens pédagogiques, programmes surchargés, apparition de la drogue et de la violence… comptent parmi les problèmes les plus cités en milieu scolaire. Et qu'il sera sans doute impossible à éliminer tant que demeureront les antagonismes entre les parties formant l'éducation nationale.