La chute des prix du pétrole n'a laissé personne indifférent. Une réunion au sommet de l'Etat, des experts qui ont tiré la sonnette d'alarme et d'autres qui disent que l'Algérie peut résister à ce choc pétrolier, chacun y va de son analyse. Selon un expert en économie au Conseil national économique et social (Cnes), «le pays ne pourra pas continuer à soutenir sa cadence de lancement de chantiers dans différents secteurs et garder le cap sur sa politique sociale si les prix du pétrole restent longtemps à un niveau oscillant entre 80 et 50 dollars/baril». Et d'avertir que «la dépendance des prix du brut pour l'élaboration des politiques économiques constitue à terme une menace pour la stabilité du pays». Pour lui, il est plus que nécessaire aujourd'hui de diversifier l'économie nationale en développant d'autres secteurs, entre autres l'industrie, l'agriculture et les services. Cette même position est partagée par le gouverneur de la Banque d'Algérie, Mohamed Laksaci, qui estime que «les réserves de change actuelles permettent à l'Algérie de faire face aux chocs sur la balance des paiements extérieurs à court terme, mais cette capacité à résister aux chocs se dissipera vite si les cours du pétrole restaient à des niveaux bas pendant longtemps». Cette déclaration avait été faite, lors de sa présentation de son dernier rapport sur les tendances financières et économiques du pays devant les membres de l'Assemblée populaire nationale (APN). La régression des prix du pétrole «ne représente pas une grande menace pour l'Algérie», a déclaré, avant-hier à Mascara, l'expert en économie et ex-délégué auprès du gouvernement chargé de la Relance économique, Abdelkader Khelil. «Les précautions prises par l'Etat, ces dernières années, sur le plan financier peuvent amortir, à court et à moyen termes, la chute actuelle du prix du pétrole», a-t-il dit dans sa déclaration à la presse. De son avis, «les grands investissements en infrastructures de base dont des routes, voies ferrées, ports, aéroports sont susceptibles de relancer le développement dans différents domaines, surtout dans le secteur agricole qui constitue, à long terme, une alternative d'exportation aux hydrocarbures». Réduire les importations et accélérer l'investissement dans l'agriculture Pour leur part, les experts algériens, le professeur de thermodynamique à l'Ecole nationale polytechnique d'Alger, M. Chems Eddine Chitour, et l'expert international en économie, M. M'barek Malek Serraï, qui se sont exprimés à travers la presse, ont expliqué que les conséquences de la baisse des prix de l'or noir ne seront pas aussi catastrophiques pour l'Algérie comme estime certaines parties. Le premier dira que «la chute des prix du pétrole ne signifie pas que nous sommes en état de crise, mais en état d'alerte. Ce qui revient à dire que nous ne sommes qu'au début de la diminution des recettes pétrolières». Partant de ce fait, il faudrait, selon lui, «rétablir l'ordre, car le bilan des prix du pétrole est fait sur une année. Si les prix continuent leur dégringolade durant les six prochains mois, nous serons, dans ce cas, obligés de revoir nos batteries, mais pour l'instant il n'y a pas réellement un grand danger». Et comme l'a si bien dit Sellal, les programmes dans leur globalité ne seront pas touchés notamment en ce qui concerne le volet social (santé, éducation, logement, enseignement, transport, télécommunications). Allant plus loin dans son analyse, cet expert dira que pour «faire face à la baisse des prix nous serons dans l'obligation de corriger les importations, notamment revoir les listes des produits importés. Si on arrive à réduire de 20 milliards de dollars la facture des importations nous garderons l'équilibre». Cet expert préconise «l'accélération des investissements dans le monde agricole et les petites et moyennes industries pour activer un peu la production locale. Dans le cas où nous arrivons à atteindre ces deux objectif l'Algérie ne sera pas gravement touchée». Enfin, il insistera sur la nécessité de réduire les dépenses inutiles et d'aller vers les importations utiles. M. Chems Eddine Chitour, lui, a affiché son optimisme quant au rebondissement des prix du pétrole, en indiquant que «l'année prochaine (2015) les cours du baril devraient remonter jusqu'à 80/90 dollars, mais il ne faut pas penser que le problème est réglé». Malgré cela, il y a lieu selon le professeur Chitour d'aller vers le développement durable, d'arrêter de miser sur la rente, et faire économiser les énergies à un minimum de 25%. La nécessité de développer les énergies renouvelables et la mise en place d'une stratégie énergétique a également été mise en exergue. Cela requiert, ajoute-t-il, «la participation de la société algérienne, en sensibilisant le citoyen sur les enjeux et les difficultés du futur». Estimant que ce choc pétrolier est une alerte pour le pays, cet expert a mis l'accent sur la nécessité «de réduire les importations de certains produits et aller vers l'achat de l'essentiel et développer l'Algérie sans compter sur le pétrole». Pour rappel, le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, avait convoqué mardi dernier un Conseil des ministres consacré à l'examen de la politique économique et sociale que l'Algérie se doit d'adopter pour faire face aux impacts de la chute des cours du pétrole sur le pays. «La crise actuelle des prix du pétrole est sévère, avec des perspectives imprévisibles à court terme», a dit M. Bouteflika. Ce dernier a instruit le gouvernement «d'exclure toute remise en cause de la politique d'investissements publics», et a chargé l'exécutif «d'examiner trimestriellement toute adaptation qui s'avérerait nécessaire dans la gestion économique et budgétaire». La lutte contre le gaspillage, la maîtrise des coûts de réalisation des projets en cours, la rationalisation des importations et le renforcement du contrôle des opérations de financement du commerce extérieur, pour prévenir toutes formes d'évasion de capitaux, sont les orientations du premier magistrat du pays. Même si la situation n'est pas trop critique à en croire certains experts, l'heure est à la prudence pour éviter à l'Algérie une crise sévère. B. A.