La qualité des programmes culturels proposés ces dernières années en Algérie reste, de l'avis des spécialistes, médiocre. Théâtre, cinéma, édition, musique ou spectacle, toutes les œuvres, à quelque exception près, sont indigestes. Pour preuve, rares sont nos réalisations qui ont été primées à l'étranger. Malgré la forte implication de l'Etat et les subventions substantielles généreusement accordées par le ministère de tutelle, les résultats sont franchement décevants. Pour reprendre les paroles d'un confrère spécialisé, par ces temps de rigueur on devrait s'intéresser à tout ce «pognon» distribué pour des pièces de théâtres qui ne vivent que le temps d'un soi-disant festival, ces films dont on ne connaît même pas les affiches tant ils ne durent que le temps d'une avant-première et tous ces livres qui ne se vendent pas. Les pseudo-artistes et les faux créateurs, qui captent toute cette rente, devraient rougir devant un tel gâchis. Les connaisseurs avertis et les rares universitaires qui s'intéressent encore à la création artistique, accusent une nette baisse de niveau sur tous les plans : traitement superficiel des sujets, esthétique bâclée, promotion hasardeuse, organisation incertaine et défaillance de la critique. Mais les responsables du secteur de la culture et les managers des établissements publics, qui assurent le financement et l'exploitation, ne se soucient pas de l'excellence faute de critiques, de contre-expertises pertinentes et d'exigences nettement exprimées par le public. On doit dire qu'il y a, à ce niveau, une connivence d'intérêt tant qu'il y a à boire et à manger pour tout le monde. La faute incombe aussi aux médias qui tressent des lauriers quand ils doivent se révolter et s'indigner. Dans leurs comptes-rendus, les journalistes, néophytes ou complaisants, s'attellent à un travail de simple description, généralement ponctué par les réactions d'un public sevré qui ne cache pas sa satisfaction qu'il y ait encore, de temps à autre, de l'animation. Un avis de novice conditionné qui, naturellement, applaudit chaque initiative. Toutes ces productions, ou presque, ne peuvent décrocher leur place dans un festival étranger. Pour le dire ainsi, c'est du n'importe quoi. L'action culturelle s'est dramatiquement bureaucratisée. Cela ne stimule pas la créativité, l'innovation et la recherche. La concurrence et la rivalité entre les concepteurs de ces programmes sont inexistantes. Chacun se satisfait de son propre produit et tout le microcosme est content. Des festivals, des colloques, des salons et des rencontres, qui coûtent très chers, ne servent, pour ainsi dire, en rien la cause de la culture. Marginalisés, les véritables artistes qui se respectent et les diplômés des écoles d'art se retrouvent obligés d'exposer dans des halls d'hôtels, de se produire sur de petites scènes et de faire les intermittents à l'étranger parce que, sur place, il n'y a ni galeries ni marché de l'art ni producteurs professionnels pour valoriser leur travail. Le potentiel existe bel et bien, c'est son exploitation qui pose toujours problème. En principal producteur culturel, le ministère de la Culture doit revoir sa copie. On ne subventionne pas la médiocrité. On la débarrasse pour faire place nette à l'effort, à la concurrence saine, à la création véritable. Le temps est venu pour opérer ce toilettage et dégager tous les parasites qui vivent sur le dos de la culture. Ce serait le commencement pour améliorer la qualité des œuvres culturelles, pour diversifier l'offre et discourir ensuite des tendances et des penchants dominants des consommateurs. A terme, et c'est un objectif qu'on ne devrait pas perdre de vue, on doit déboucher sur des sociétés de production concurrentes et de solides relais de diffusion pour se disputer des intérêts bien concrets sur un marché réellement dynamique. K. A.