De notre correspondant à Bouira Nacer Haniche La scène culturelle à Bouira peine à connaître une vraie dynamique qui puisse transformer la société et asseoir une tradition de transmission du patrimoine culturel, entre l'ancienne et la nouvelle génération, ainsi que pour susciter des compétences pouvant développer les arts sous leurs différents aspects. La situation sociale et économique des familles dans notre pays, constitue en quelque sorte un frein à l'émergence d'une relève dans la société, capable de reprendre le flambeau légué par les anciens artistes, qui ont pu et su, malgré des conditions défavorables et des réalités contradictoires, hisser le patrimoine culturel de l'Algérie sur la scène maghrébine, voire internationale, dans les différents festivals et rencontres organisés à travers le monde. En effet il est connu, chez les artistes qui continuent d'animer la scène culturelle locale, que la société n'encourage pas les jeunes à devenir des artistes et développer leurs compétences dans les domaines de la musique, la peinture, la sculpture et la danse artistique, plusieurs enfants possèdent des dons avérés dès leur entrée à l'école. Sur un autre plan, ces derniers affirment que jusqu'à maintenant l'artiste est démuni d'un statut qui puisse sauvegarder ses intérêts et lui permettre de vivre dignement du fruit de ses compétences. D'autre part, les quelques animateurs et hommes de culture, qui ont investi les associations culturelles durant des années 1980, se plaignent du manque de moyens mis à leur disposition pour contribuer à la formation et l'encadrement des artistes de demain. Dans la wilaya de Bouira, le seul endroit où la formation d'une relève est suivie sur le terrain est l'institut régional de la formation musicale où quelques troupes théâtrales y activent, en collaboration avec la direction de la culture. Cet institut s'est imposé, depuis des années, comme un lieu de formation de cadres artistiques, qui seront par la suite affectés vers les établissements scolaires où ils auront à initier les élèves des différents paliers. Mais jusqu'à maintenant, les résultats sur le terrain ne sont pas probants. Ceci est attribué au fait que les compétences détectées en milieu scolaire ne sont pas toujours soutenues par les pédagogues ; les professeurs se limitant seulement à porter des appréciations que tel ou tel élève est un génie, dans un quelconque discipline artistique. De plus, les parents encouragent leurs enfants à exceller dans les matières scientifiques, seules selon à même d'ouvrir des horizons sur des spécialités et des créneaux plus porteurs sur le marché du travail ; ceci est d'ailleurs l'un des facteurs qui freinent la pratique culturelle et font du métier d'artiste une «aventure périlleuse», du fait qu'il ne bénéficie pas d'un statut qui lui assure une protection sociale avérée. Il existe tout de même des jeunes qui ont réussi à braver les interdits, prouvant à leurs familles qu'ils sont déterminés à persévérer dans leur choix. A cet effet, certains parents d'élèves considèrent les matières artistiques introduites dans le cursus scolaire comme étant une surcharge, voire même une perte de temps pour leur progéniture. Toutefois, à l'occasion de manifestations culturelles ou événements ayant rapport avec l'enfance, les responsables n'hésitent pas à faire le tour des école à la recherche d'une œuvre ou d'un travail artistique réalisé par un élève afin de l'exposer au regard des autorités et du grand public, sous couvert que tel ou tel établissement scolaire regorge de jeunes compétences artistiques. A Bouira, qui a souffert durant des années du manque d'activités culturelles, la prospection, le suivi et la prise en charge spéciale des jeunes talents sont encore à un stade embryonnaire. En dehors de certaines écoles primaires, où l'on enregistre un balbutiement d'intérêt en direction de ces jeunes talents, grâce au travail effectué par les enseignants d'éducation artistique tout au long de l'année scolaire, cette culture n'est pas enracinée dans les esprits, du fait qu'en ce sens, les parents n'encouragent pas leur enfants, puisque rares sont ceux qui offrent un instrument de musique à leur enfant. «Que fera-t-il avec une guitare ?» ; alors que d'autres considèrent les activités artistiques comme une distraction : «Il a son avenir devant lui pour faire ce qu'il veut une fois à l'université», nous dira un père, dont le fils, âgé de 14 ans, a été primé lors d'une exposition, organisée à l'occasion de la Journée mondiale de l'enfance, d'une série de planches à dessin ayant pour thème la protection de l'environnement. Un autre déclare avoir interrompu les cours de musique que suivait sa fille, depuis l'âge de 8 ans, à l'Institut régional de formation musicale, prétextant que cela lui permettra de se consacrer entièrement à ses études secondaires.