La révolution du gaz de schiste, qui a bouleversé la donne énergétique, a également agité de nombreuses régions dans le sud algérien. Les manifestations contre l'exploitation du gaz de schiste n'ont pas cessé malgré les assurances données par le chef de l'Etat, Abdelaziz Bouteflika, lors de la tenue du dernier conseil des ministres. Les habitants d'In Salah, Ghardaïa, Tamanrasset et autres wilayas ne semblent toujours pas rassurés quant aux risques liés à l'exploitation de cette source énergétique sur l'environnement. Ces préoccupations qui sont partagées par plusieurs associations de défense de l'environnement de par le monde, ont amené l'Union internationale du gaz (UIG) qui regroupe 91 pays membres, dont l'Algérie à travers l'Association algérienne de l'industrie du gaz (AIG), à appeler à une évaluation «rationnelle et objective» de l'exploitation du gaz de schiste devant aboutir à des approches opérationnelles et réglementaires assurant le développement de cette source d'énergie. Dans une publication, intitulée «Gaz de schiste : les réalités sur les préoccupations environnementales», l'UIG a relevé que, jusqu'ici, le débat sur l'impact environnemental s'est limité à opposer des avis contradictoires entre partisans et opposants à la fracturation hydraulique «sans jamais s'axer sur une évaluation fondée, rationnelle et objective» de ces craintes. Selon l'Union, ce travail d'évaluation devra aider à mettre en place des approches opérationnelles et réglementaires devant accélérer et réguler le développement du gaz de schiste «qui joue désormais un rôle fondamental dans le mix énergétique mondial». Dans le document publié par l'UIG, des précisions détaillées ont été exposées répondant à huit préoccupations environnementales. Il s'agit, en premier lieu de la préoccupation selon laquelle la fracturation hydraulique pourrait avoir des effets néfastes sur les nappes d'eau. Sur cette question, l'UIG précise que ce ne sont pas seulement les forages horizontaux qui traversent les nappes d'eau puisque même les forages verticaux, qui sont une pratique bien établie dans la production du pétrole et du gaz conventionnel, traversent des aquifères en toute sécurité sans pour autant provoquer des incidents. «Des millions de puits verticaux ont été forés depuis l'avènement de l'industrie pétrolière, sans enregistrer des incidents majeurs», affirme l'organisation dans son rapport, cité par l'APS. «Les rares incidents de contamination des eaux souterraines sont dus à des tubages de puits défectueux, d'où la nécessité d'assurer une bonne cimentation de ces installations. En outre, ces incidents ont été vite résolus et maîtrisés par les compagnies pétrolières», ajoute encore l'UIG, estimant que les inquiétudes liées à l'utilisation d'énormes quantités d'eau dans la fracturation hydraulique ne sont pas fondées puisque la production de gaz de schiste ne consomme pas systématiquement plus d'eau que la production d'autres formes d'énergie. L'Union en veut pour exemple la quantité d'eau utilisée pour produire de l'énergie qui «est de cinq litres (1,3 gallons) par million BTU pour le gaz de schiste contre plus de 9 500 litres (2 500 gallons) par million de BTU pour les biocarburants». Actuellement, l'industrie pétrolière tente de réduire les quantités d'eau utilisée en les réutilisant lorsque cela est possible et en améliorant le processus de la fracturation hydraulique, relève-t-elle. De même, les préoccupations croissantes sur les additifs chimiques utilisés dans la fracturation hydraulique ne sont pas justifiées, juge-t-elle en faisant savoir que beaucoup de ces additifs sont présents dans des produits commercialisés. Et à ce propos, l'union tient à préciser que le fluide de la fracturation hydraulique est composé généralement de 99,5% d'eau et de sable et de 0,5% de produits chimiques. Une fracturation hydraulique nécessite l'utilisation de 3 à 12 additifs chimiques mais cela dépend, en fait, des caractéristiques de l'eau et de la nature de la roche à fracturer. Concernant les tremblements de terre provoqués par la technique de fracturation hydraulique, cette organisation mondiale explique que l'activité sismique générée parfois par cette technique est moins intense que les niveaux d'activité sismique naturelle ressentis par les êtres humains. Quant aux craintes liées à l'impact environnemental des rejets générés par l'exploitation du schiste, l'organisation note que les eaux de la fracturation hydraulique, évacuées des puits après l'achèvement du forage, sont gérées, traitées et recyclées grâce à différents procédés dont dispose l'industrie pétrolière actuellement. L'UIG relève aussi que la réglementation relative à l'activité de l'exploitation du schiste est en constante évolution, particulièrement en Amérique du Nord, contrairement à ce qu'avancent les anti-schistes. Elle précise qu'aux Etats-Unis, pas moins de cinq lois ont été promulguées pour réguler cette nouvelle activité, telles la loi nationale sur l'environnement ou celle sur l'eau potable. Tout en soulignant que dans d'autres pays où l'exploitation du schiste est envisagée, des réglementations similaires sont prévues et seront appliquées dès l'entame de la production. L'organisation insiste toutefois sur le maintien d'une surveillance appropriée de cette activité. Cette approche minimisant les risques de l'exploitation du gaz de schiste sur l'environnement est partagée par Francis Perrin, un expert pétrolier. Ce dernier, dans un entretien qu'il a accordé à l'APS, affirme que la perception des risques attribués à l'exploitation du gaz de schiste est «souvent excessive». «Il existe, aujourd'hui, les moyens de travailler correctement sur le gaz de schiste compte tenu de l'évolution des techniques et de l'expérience considérable accumulée aux Etats-Unis», estime l'expert qui est également président de la société Stratégie et politiques énergétiques (SPE), une société qui édite cinq publications énergétiques, dont Pétrole et Gaz Arabes (PGA). Selon lui, les risques de polluer les nappes phréatiques relèvent plutôt d'un non-respect des normes assurant l'intégrité des forages. M. Perrin affirme que le non-respect des règles représente un danger pour l'environnement qu'il s'agisse du gaz ou de pétrole de schiste ou des hydrocarbures conventionnels. Sur ce point, il cite l'exemple de l'une des plus grandes marées noires de l'histoire, survenue en 2010 dans le Golfe du Mexique avec le puits Macondo foré par la firme BP, provenue, pourtant, d'un forage d'exploration de pétrole conventionnel et non de pétrole ou de gaz de schiste. En ce qui concerne la fracturation hydraulique, qui suscite d'énormes appréhensions, «elle est utilisée depuis plusieurs décennies par les compagnies pétrolières sans, pour autant, provoquer des controverses jusqu'à ce que l'on parle tout récemment des gaz de schiste», a déclaré l'expert, qui a avancé quatre conditions-clés permettant de réduire au maximum les risques environnementaux. Il s'agit d'avoir des acteurs pétroliers compétents et responsables, d'utiliser les techniques les plus récentes, d'avoir un Etat qui exerce correctement son rôle de régulation et de supervision de l'industrie et enfin d'avoir une société civile vigilante. Francis Perrin a déclaré, en réponse à une question sur l'opportunité pour l'Algérie d'aller vers une éventuelle exploitation du schiste, qu'«il appartient à chaque pays de prendre ses propres décisions sur cette question», tout en soulignant que plusieurs pays développent ou vont développer leurs ressources non conventionnelles comme l'Arabie saoudite, la Pologne, l'Ukraine, la Chine, l'Australie, l'Argentine et le Royaume-Uni. Une manière d'avertir que dans l'avenir, la concurrence sera rude. L'Algérie devra donc prendre «les bonnes décisions politiques, trouver les bons partenariats pour Sonatrach, fournir un cadre législatif et contractuel incitatif et adapter sa politique commerciale aux combats de demain et d'après-demain et pas à ceux du passé» pour espérer trouver des débouchés pour son gaz de schiste si elle venait à l'exploiter. H. Y./APS