Daech, acronyme du nom arabe Daoula islamiya fi el Îrak ou charq, ou Etat islamique en Irak et en Orient, est désormais un vocable synonyme de barbarie extrême, de tueries, de massacres, de mort et de désolation, une hydre à têtes multiples qui frappe sans distinction un peu partout à travers le monde. Algérie, Tunisie, Libye, Egypte, Nigeria, Syrie, Irak, France, Australie, Danemark, Belgique ont été le théâtre d'attentats terroristes, revendiqués par un groupe affilié à l'organisation terroriste et qui ont fait des dizaines de morts. Et cela continue. La terreur s'installe durablement. Politiques et services de sécurité spécialisés n'arrivent pas à stopper ou du moins enrayer le phénomène qui prend de l'ampleur et se propage. Dans les pays arabes ou musulmans en Afrique ou en Asie, ce sont des groupes armés structurés et disposant d'équipements et de moyens considérables qui se réclament de cette nébuleuse et déclarent leur soumission au califat de Abou Bakr El Baghdadi. En Occident ce sont plutôt, des «loups solitaires», pour utiliser l'expression consacrée, ou de petits groupes de trois à quatre personnes, des marginaux qui se sont radicalisés pour commettre ces crimes abjects au nom de l'Etat Islamique qu'ils vénèrent et auquel ils se sont voués corps et âme. De l'origine des groupes terroristes dans les pays arabes et musulmans Dans les pays arabes et musulmans, les groupes armés se réclamant de Daech sont le produit d'un demi-siècle de totalitarisme où les dictateurs qui se sont succédé avaient accaparé tous les pouvoirs. La confiscation des libertés publiques et individuelles, la mainmise d'un parti unique sur toute la société ont amené une opposition clandestine qui alimentait et colportait les rumeurs sur le pouvoir qui réagissait par une répression aveugle. Les démocrates, toutes idéologies confondues, avaient été laminés et effacés de la scène politique par ces pouvoirs qui adoptaient une politique de tolérance vis-à-vis des islamistes, pensant pouvoir les utiliser comme menace pour justifier leur régime dictatorial et liberticide. Le chômage la misère, le mal-vivre, les passe-droits, la corruption, le népotisme, l'injustice sociale, l'accaparement des biens du peuple par la caste au pouvoir constituaient les thèmes des prêches incendiaires des imams autoproclamés pour dénigrer l'autorité en place et la qualifier de «taghout». Cette masse de chômeurs, de familles vivant dans la misère, d'individus ayant été victimes de comportements injustes de responsables, représentait pour les islamistes le terreau et le vivier intarissable dans lequel ils puisaient leurs forces. Les idéologies développées et qui ont apporté la preuve de leur faillite, ne pouvaient faire face à la religion bien ancrée dans les esprits. L'exploitation de l'Islam version extrémiste ne trouvait aucune opposition et se développait. Les vidéos de l'horreur Le printemps ou l'hiver arabe -c'est selon- a été une opportunité pour les islamistes de passer à l'action et ainsi perpétrer des crimes abjects. Les vidéos montrant ce djihadiste syrien de la brigade rebelle «Omar Al Farouq» qui avait éviscéré un officier syrien mort pour porter son cœur à sa bouche comme pour mordre dedans, renseigne sur cet extrémisme barbare qui ne reconnait aucune valeur humaine. Une image insoutenable et terrifiante qui ravale l'Homme au rang de l'animalité, une atrocité et une horreur tout droit sorties des époques noires qu'a traversées l'Humanité et qu'on croyait révolues à jamais. 21 coptes égyptiens égorgés, des otages occidentaux qui ont subi le même sort, un pilote jordanien brûlé vif, des centaines de jeunes filles enlevées au Nigéria, une bibliothèque renfermant des manuscrits historiques brûlée au Mali, des exactions en Libye avec la mort atroce de Kadhafi. Tout cela est exécuté sous les «takbir», au nom d'un Islam détourné et vidé de ses valeurs d'humanisme, de tolérance et de compréhension. L'Occident «découvre» En Occident, les petits groupes agissant en électrons libres sont composés de personnes musulmanes issues de l'immigration dans ces pays. Mal intégrés dans la société qui les a accueillis par le fait de ségrégations dont ils ont été victimes, et radicalisés par des prédicateurs, sergents recruteurs pour le djihad en Syrie, ils sont envoyés sur «le front» pour servir de chair à canon et ainsi réaliser les desseins de ces illuminés. Pour ceux qui en réchappent, au retour dans leur pays, forts de leur expérience dans le combat et le maniement des armes, ils planifient des attentats et les commettent sans se soucier des conséquences de leurs actes. Réactions et mesures des pays nord-africains Dans les pays nord-africains, le danger vient de Libye. Ce pays, qui s'est désagrégé après la chute du régime de Kadhafi, est contrôlé par des milices islamistes disposant d'un arsenal capable de désintégrer toute la région. Djihadistes de tous bords, Tunisiens, Algériens, Egyptiens, Européens et autres ont accouru pour instaurer par la force une région qui dépendrait de Daech, comme cela a été déclaré pour le Sinaï en Egypte. Résultat : des attentats sont commis dans trois pays de la région, à savoir attaque de la base gazière de Tiguentourine avec prise d'otages le 16 janvier 2013, assassinat de 27 militaires égyptiens dans le Sinaï, attaques terroristes dans le mont Chaambi en Tunisie, le dernier attentat en date a fait 4 morts, 4 gendarmes tués et leurs armes récupérés par les terroristes, Hervé Gourdel, un touriste français amoureux de la montagne, capturé et décapité par un groupe terroriste se réclamant de Daech. Cette situation explosive qui menace sérieusement la stabilité et la sécurité de ces trois pays a amené les Etats à prendre des mesures pour préserver leurs territoires respectifs de ce fléau. Coordination et échanges d'informations entre les services, contrôle et surveillance des frontières pour empêcher toute intrusion de ces groupes et coopération militaire incluant le renseignement et, parfois, des opérations communes pour éradiquer ces groupes malfaisants. L'Egypte, confrontée à ce phénomène qui prend de l'ampleur surtout dans le désert du Sinaï, a mobilisé ses troupes et est allé jusqu'à intervenir en Libye pour bombarder des positions terroristes et des dépôts de matériels et de munitions. Le pays des Pharaons a déposé un projet de résolution à l'ONU pour examiner la situation en Libye et prendre des mesures à même d'en finir avec ces milices qui font leur loi et tuent en toute impunité. Il faut dire que la dégradation de la situation sécuritaire dans ce pays où désormais un état central n'existe plus constitue une menace réelle pour toute la région. L'inquiétude et les préoccupations des dirigeants de ces trois pays sont grandes et il n'est pas à exclure la constitution d'une coalition militaire qui interviendrait en Libye, même si sur le plan diplomatique on privilégie un règlement politique du conflit interne que vit ce pays. Afrique de l'Ouest et Boko Haram En Afrique de l'Ouest, Nigéria en tête, le Tchad et le Cameroun, pays voisins et frontaliers, sont devenus partie prenante dans la lutte contre Boko Haram, une secte islamiste se réclamant de Daech et qui veut instaurer un autre califat dans la région. Niger, Cameroun, Nigéria, Tchad et Bénin ont pris conscience du danger qui les menace et sont en passe de constituer une force militaire multinationale de 8 700 hommes et ont élaboré un plan d'intervention qui devrait être approuvé par le Conseil de paix et de sécurité de l'Union africaine et obtenir un mandat de l'ONU avant de s'engager. Cette force peut se déplacer librement sur les territoires des cinq pays sans autorisation préalable, ce qui permettra de lever le problème du droit de poursuite. En Asie, les pays du golfe se solidarisent avec la Jordanie suite à l'assassinat d'un pilote de chasse de l'armée de l'air, brûlé vif. Et la Ligue arabe va consacrer le prochain sommet, en mars prochain, à la lutte contre le terrorisme. La Jordanie, elle, a multiplié ses bombardements contre Daech et a pendu deux djihadistes tout en promettant une terrible vengeance contre cette organisation terroriste. La forteresse Europe sérieusement secouée La forteresse Europe qui n'avait pas apprécié à sa juste mesure le phénomène terroriste, croyant en être suffisamment éloignée, s'en est mordu les doigts et a découvert un peu tard que le péril est en la demeure par le fait d'opérations terroristes exécutées sur le sol de plusieurs pays du Vieux continent. L'horreur et la barbarie qu'on croyait être le monopole exclusif des pays du Sud a émigré et s'est établie dans ces pays qui croyaient être à l'abri. Les services de sécurité de Belgique, de France, du Danemark, du Royaume-Uni ou d'Espagne, peu ou pas expérimentés dans la lutte antiterroriste, ont été mis devant le fait accompli et n'ont réagi qu'après coup. Mais le mal est déjà là, le terrorisme islamiste a frappé durement mettant en péril la paix et la sécurité. Branle-bas de combat en France où l'on s'intéresse à l'école, aux services de renseignements qu'il faut doter de plus de moyens, au renforcement de l'arsenal juridique et législatif, à l'isolement des détenus islamistes dans les prisons pour éviter la radicalisation de la population carcérale issue de l'immigration... Au Danemark, on a alloué une enveloppe de 130 millions d'euros pour le renseignement et la formation des services de sécurité. Les temps où l'Algérie luttait seule contre l'hydre terroriste en prévenant le monde entier de ce danger transfrontalier, mais que tous ignoraient, sont révolus. Le monde occidental découvre aujourd'hui, chez lui, l'horreur, toute l'horreur, de la bête immonde. M. R.