Mohamed Rahmani Liquidations, restructurations et redéploiements des entreprises publiques avaient presque réduit à néant ces entités économiques dans les années 90 avec des milliers de travailleurs qui s'étaient retrouvés au chômage. Des secteurs stratégiques comme le transport public avaient été sacrifiés pour être très vite supplantés par le privé qui, ne se souciant que du profit, ne s'embarrassait pas trop s'agissant de la réglementation régissant ce dernier secteur. Ne pouvant plus assumer cette activité, l'Etat qui avait le monopole des transports publics l'avait abandonné au privé qui, profitant de la crise, l'avait investi pour le façonner selon sa vision basée essentiellement sur la rentabilité. Disparus donc les uniformes des receveurs et des chauffeurs, disparue la fonction de contrôleur. Les tickets sont devenus facultatifs et les bus sont des épaves roulantes avec des pannes fréquentes. La déliquescence de ce secteur a eu raison de tout. Pas de respect pour l'usager qu'on ne voit plus comme client, mais plutôt comme quelqu'un auquel on doit soutirer de l'argent en dépensant le moins possible pour son bien-être et son confort. À Annaba, le secteur des transports est presque exclusivement assuré par les privés dont la préoccupation première est le profit au détriment de la qualité des services proposés. En effet, rien qu'à voir les stations El Hattab ou Kouche, on a une idée de l'évolution négative de ce secteur. Ceux qui ont vécu la période Etusa déplorent ce qui arrive, ayant encore en mémoire l'image d'il y a quelques années de ces structures. Des bus assurant le transport suburbain desservant les différentes localités sont dans un piteux état, de vieux tacots datant des années 90, dont les moteurs essoufflés tournent difficilement et ont peine à gravir les pentes, un intérieur insalubre avec déchets qui trainent sous ce qui ressemble vaguement à des sièges, des glaces brisées et remplacées par du cellophane, des rideaux déchirés et sales, pas de poignées pour les usagers voyageant debout, des portières qui ferment mal et qui s'ouvrent parfois dans les virages et, pour couronner le tout, des chansons avec des contenus indécents diffusées à un volume insupportable. Ces bus ne démarrent que s'ils font le plein, dépassant même le nombre autorisé, pour démarrer à toute vitesse, s'arrêtant au moindre signe d'un piéton au bord de la route. Le respect des horaires, du code de la route, des passagers n'a plus droit de cité. Parfois, c'est la panne et l'on voit des dizaines de voyageurs faire du stop au bord de la route, des familles avec des enfants en bas âge, des travailleurs qui doivent impérativement rejoindre leurs postes à temps, des personnes malades qui ont rendez-vous avec leurs médecins se retrouvent dans cette situation dont les propriétaires de ces bus ne se sentent pas du tout responsables. L'anarchie qui règne dans ce secteur n'inquiète nullement la tutelle qui n'opère des contrôles que très rarement sans pour autant qu'il n'y ait des sanctions dissuasives. L'usager, contraint et forcé, subit en silence et prend son mal en patience attendant des jours meilleurs, mais cela ne risque pas d'arriver au vu du laisser-aller et de la négligence des services censés sévir pour redresser ce secteur. L'Entreprise des transports de Annaba (ETA), une entreprise publique, est venue en quelque sorte sauver la mise et redorer quelque peu le blason de ce secteur livré à lui-même. Créée il y a quelques années, l'ETA, forte d'un parc roulant d'une vingtaine de bus flambants neufs, est venue ressusciter le service public disparu, en revenant aux normes du transport avec un service irréprochable qui lui a permis de conquérir le marché pourtant saturé. Des bus propres avec un personnel accueillant et portant l'uniforme, les horaires et les arrêts respectés, une vitesse constante et des contrôles permanents. Les bus sont chaque jour lavés et nettoyés tout en leur assurant l'entretien nécessaire visant à les maintenir en marche. Les usagers préfèrent prendre les bus de l'ETA, car sachant que ceux-ci sont toujours à l'heure et propres tout en respectant les arrêts fixés. Les protestations des transporteurs privés contre le fait d'avoir affecté des arrêts aux bus de l'ETA devant la gare ferroviaire de la ville, les privant ainsi d'un nombre important d'usagers, n'avaient pas abouti car en réalité ces protestataires ne voulaient pas de cette entreprise qui leur a pris leurs clients. La mise en concurrence des bus de l'ETA et ceux des privés a donné lieu à une forte érosion en termes de clientèle pour le privé, beaucoup parmi les usagers ayant basculé en faveur de l'entreprise publique car tout simplement les services sont meilleurs. Cela a amené les transporteurs privés à une «mise à niveau» en achetant à leur tour des bus neufs et en veillant à la propreté des véhicules. Cependant le respect des horaires et des arrêts tarde à venir car ces bus s'adonnent à la course pour ramasser le plus possible d'usagers. Les receveurs et les chauffeurs n'ont toujours pas d'uniformes et certains ne sont même pas déclarés au niveau de la Caisse des assurances sociales. Le déficit du secteur des transports à Annaba ne se situe pas au niveau des moyens, la flotte existante suffit largement, le problème est que ces bus ne répondent plus aux normes admises et doivent être retirés. Outre cela, il faudrait que la direction des transports opère des contrôles quotidiens au niveau des stations pour amener les exploitants à respecter la réglementation sous peine de sanctions sévères. M. R.