Photo : Riad De notre correspondant à Annaba Mohamed Rahmani Apparemment, la réglementation et les mesures prises visant à l'amélioration de la qualité des services dans les transports publics n'ont pas cours à Annaba et la situation catastrophique dans laquelle évolue ce secteur stratégique continue de narguer la direction de tutelle et les usagers. Ainsi, le désordre ambiant est devenu, au fil des ans, une règle cautionnée par des services de contrôle défaillants qui n'interviennent que sporadiquement suite à des incidents ou des plaintes. L'absence d'un contrôle continu fait que les transporteurs privés ne respectent pas la réglementation, même pas les usagers qu'ils transportent, faisant fi de celle qui régit ce secteur. Les bus, minibus et autres véhicules assurant le transport urbain, suburbain et interurbain sont de «vieux tacots», des «épaves roulantes» qui tombent souvent en panne, laissant au bord de la route des dizaines de passagers. L'intérieur de ces bus, si on peut encore les dénommer ainsi, fait peine à voir : restes de victuailles traînant sur le plancher ou sous les sièges, banquettes éventrées, desquelles dépassent des ressorts qui ne manquent pas de blesser les passagers, poignées pendantes, vitres brisées ou qui ne ferment pas et bien d'autres choses encore. Les portières avant et arrière, censées s'ouvrir ou se fermer automatiquement, coincent ; le receveur s'en charge à coups de pied ; sur certains bus on a carrément fixé des loquets. Le personnel, chauffeurs et receveurs, sans uniforme ou quelque signe distinctif que ce soit, n'en font qu'à leur tête : le conducteur s'arrête quand il veut, où il veut, au mépris du code de la route et des dizaines d'usagers qu'il transporte. A la station «Kouche», les bus chargent les passagers sans respect des capacités requises, les horaires ne sont pas respectés, il faut faire le plein maximum. Les voyageurs, debout, se pressent les uns contre les autres, sous les cris du receveur : «Allez, reculez !» lance-t-il d'un air menaçant. On se serre, on prend son mal en patience et si, d'aventure, un passager ose réclamer, il essuiera un chapelet d'injures, assorti d'un «si cela ne vous plaît pas, allez prendre un taxi !». Le moteur du bus, essoufflé, tourne difficilement. Le véhicule avance et c'est la musique qui commence à se faire entendre, non pas une musique douce mais plutôt celle des discothèques, avec, en prime, le receveur qui fredonne l'air chanté. Le chauffeur, aigri, appuie sur l'accélérateur, oubliant parfois de s'arrêter pour faire descendre les passagers à l'arrêt demandé ; ce sont les cris des concernés qui le ramènent à la réalité. Sur les lignes El Hadjar-Sidi Amar ou El Hadjar El Bouni, on entasse les voyageurs comme on peut, il faut transporter le plus possible et arriver le plus vite possible pour refaire le même itinéraire. Il s'agit d'engranger une bonne recette. L'usager qui travaille subit tout sans réclamer, rares sont ceux qui s'adressent à la direction du transport pour se plaindre d'une telle situation. La plupart, blasés et ne voulant pas avoir de «problèmes», préfèrent se taire pour arriver sains et saufs à destination. La concurrence pour réguler le transport Le transport urbain n'est pas mieux loti, à la station «El Hattab», les receveurs, au pied des bus stationnés, font les rabatteurs pour attirer les passagers, criant à tue-tête les noms des dessertes, tout en précisant qu'ils sont sur le point de partir. En fait, les bus sont aux trois quarts vides et les usagers sont contraints d'attendre, le plus souvent, plus d'une demi-heure avant que le bus ne démarre. Aux arrêts, le chauffeur attend parfois 5 à 10 minutes pour recharger d'éventuels passagers ; la même situation se répète pour les autres arrêts, si bien que, pour couvrir une distance de 5 à 6 kilomètres, il faut plus de trois quarts d'heure. Cela cause bien des désagréments aux citoyens, lesquels, obligés de prendre ce transport en commun, se laissent faire sans protester. En revanche, l'Entreprise publique de transport de Annaba (ETA), propriété de la commune, est venue quelque peu rétablir la situation en offrant une qualité des services qui a séduit les usagers et qui, si elle est généralisée, pourrait amener les transporteurs privés à adopter les mêmes mesures ; la concurrence étant le meilleur des régulateurs. L'ETA, avec ses bus bleus flambant neufs, équipés de bandeaux électroniques indiquant la destination, dont les chauffeurs et receveurs sont en uniforme, ainsi qu'avec des tickets délivrés à la montée, en équivalence au nombre de places requis, est un exemple en matière de transport public. Les arrêts sont respectés, le ramassage en dehors des arrêts fixes interdit, des horaires de départ et d'arrivée étudiés et respectés. Dès l'exploitation de ces bus, à partir de stations qui leur ont été affectées, les transporteurs privés avaient fait grève pour protester contre cette concurrence qu'ils estimaient illégale, du fait que l'ETA avait, selon eux, bénéficié de stations avantageuses, mais le mouvement s'était très vite estompé et a été sans effet. En vérité, les citoyens préfèrent avoir recours aux bus de l'ETA parce qu'ils y sont respectés. Cela n'arrange pas les affaires des transporteurs privés qui ne pensent qu'au gain rapide, au mépris de leur clientèle, laquelle, pourtant, participe pleinement à leur enrichissement. S'agissant des mesures prises se rapportant au port de l'uniforme par les chauffeurs et receveurs, le directeur des transports de la wilaya de Annaba dira que son administration n'a pas encore reçu d'instructions à ce sujet. «Toutefois, déclare-t-il, des sanctions sont prises contre les transporteurs en infraction, la commission des sanctions administratives a statué sur 736 cas relevés entre le 1er janvier et le 31 août 2008 ; les sanctions infligées sont la mise en fourrière du véhicule durant une période de 16 à 45 jours». Selon le tableau récapitulatif des sanctions infligées par ladite commission, les infractions les plus récurrentes sont celles du 2e degré, qui se rapportent à la surcharge des voyageurs, aux embarquements et débarquements à des points non autorisés ou à la déviation d'itinéraire sans autorisation. Elles sont au nombre de 471. Celles du 1er et du 2e degré sont moins nombreuses, elles sont respectivement au nombre de 185 et 80 infractions. Elles ont trait, entre autres, au non-respect des horaires de transport, au mauvais comportement du personnel de bord, à la non-délivrance de titre de transport aux voyageurs ou encore la non-conformité des documents de bord. «Nous ne pouvons pas, à nous seuls, nous confie le directeur des transports, régler tous les problèmes liés au transport, il faudrait que les citoyens nous aident, ils sont les premiers concernés parce qu'ils en sont les usagers quotidiens ; il est vraiment rare qu'un citoyen se plaigne d'un transporteur.» Concernant l'état des bus circulant à Annaba, le commis de l'Etat nous dira que ces véhicules ont subi des contrôles techniques et qu'ils sont en règle, du moment qu'ils ont un PV en bonne et due forme. Il est à signaler que le parc des transports publics à Annaba compte 990 bus, dont 161 assurent le transport urbain et 3 209 taxis desservent toutes les régions, dont 2 355 intra-muros.