Le procès de l'affaire dite de «l'autoroute Est-Ouest» qui devait reprendre la semaine dernière, après un premier report en mars dernier, s'ouvrira aujourd'hui, après son ajournement pour une semaine. Un ajournement décidé par le juge Hallali, président du tribunal criminel près la cour d'Alger, en raison du retrait des avocats du principal accusé, Chani Majdoub. Ce dernier, titulaire de la double nationalité algérienne et luxembourgeoise est détenu depuis maintenant plus de cinq ans, après avoir été arrêté par les services secrets. Ses défenseurs ont contesté l'instruction et se sont retirés quand le tribunal a rejeté leur demande de déclarer nulle l'ensemble de la procédure. En fait, les avocats de Chani dont Me Bourdon du barreau de Paris et Me Penning, avocat au barreau de Luxembourg, se sont succédé à la barre pour demander la nullité de l'accusation en raison des «violations» de la procédure. Ces derniers ont, dans un premier temps, évoqué des manquements à l'exemple de l'obligation du procureur à transmettre trois jours avant le procès, la liste des témoins ou encore le fait que les éléments du DRS n'ont pas informé le procureur dans les délais de l'arrestation de Chani Madjdoub. Mais au fur à mesure que les requêtes étaient faites, les accusations ont pris formes : «Chani Majdoub a été kidnappé et torturé». Les avocats ont affirmé que leur client «Chani a été torturé pendant 20 jours par le DRS avant d'être présenté devant le procureur». Ils ont avancé que les aveux de leur client sont des «aveux obtenus sous la torture. Nous pouvons le prouver». Me Bourdon a tenu à faire savoir que Chani a déposé une plainte qui, après avoir été minutieusement étudiée, a été acceptée, auprès de trois autorités à l'étranger à savoir l'Autorité judiciaire de Luxembourg, le groupe de travail contre la torture et le Haut commissariat des droits de l'Homme. L'avocat du barreau de Paris a ajouté : «Chani est Luxembourgeois et est donc protégé par le juge de ce pays. J'ajouterai que les institutions internationales offrent leur protection à Chani parce que l'Algérie est un des pays champion dans la ratification des pactes internationaux.» De son côté, Me Penning a soutenu que la justice de son pays a accepté la plainte de Chani Madjdoub et que l'autorité judiciaire Luxembourgeoise a envoyé une commission rogatoire en Algérie pour entendre les auteurs des faits de la torture. Selon Me Penning, il est possible que l'autorité judiciaire de son pays décide de délivrer des mandats d'arrêt à l'encontre des personnes accusées de torture. Après la décision du tribunal d'inclure dans le fond la requête de la défense de Chani, les avocats de ce dernier ont décidé de se déconstituer. Le refus de l'accusé d'accepter un avocat commis d'office a créé une certaine impasse pour la poursuite du procès, car le procès ne peut se poursuivre sans accorder un droit de défense à Chani. Après avoir écouté l'ensemble des avocats dont la majorité a demandé la poursuite du procès, le juge a décidé alors d'ajourner le procès d'une semaine demandant à Chani de réfléchir à un avocat, le cas échéant, il lui en sera commis un d'office. Si Chani ne change pas d'avis, le juge devra solliciter le bâtonnier qui, selon certains avocats, pourra désigner les mêmes avocats algériens sans que ces derniers ne puissent refuser car la désignation vaudra réquisition. A rappeler enfin que dans le dossier de l'autoroute Est-Ouest, 16 personnes et 7 entreprises sont poursuivies pour plusieurs chefs d'accusations dont association de malfaiteurs, blanchiment d'argent, abus de pouvoir, corruption et dilapidation d'argent public. Parmi les accusés, Chani Madjdoub, le secrétaire général du ministère des Travaux publics, Bouchama Mohamed, le chef de cabinet, Belkacem Bouferrach, le directeur des nouveaux projets auprès de l'Agence nationale de l'autoroute, Mohamed Khelladi, Ouzane Mohamed (dit colonel Khaled) ainsi que l'intermédiaire Addou Tadj et son neveu Sid-Ahmed. Les trois filles Ghereib (filles de l'ancien ambassadeur, député FLN et membre de l'Autorité de lutte contre la corruption) sont également accusées dans cette affaire. Selon l'accusation, cette affaire qui a éclaté en 2007 après les investigations menées par les éléments de la direction de renseignement et sécurité (DRS), repose sur le fait que les accusés ont perçu d'importantes sommes d'argent en contrepartie de «facilitations» et «d'informations» offertes à des entreprises étrangères dans le projet de l'autoroute Est-Ouest. H.Y.