Tout a commencé en février 2011, quand des appels à la manifestation se multiplient en Syrie, face aux révoltes arabes qui se développent. Voulant faire face, le régime de Bachar el-Assad entend éviter la crise en annonçant des mesures sociales. Le 15 mars de la même année, des manifestations massives ont lieu, notamment à Derâa. Le lendemain quatre personnes tombent sous les balles des forces de l'ordre et des centaines d'autres sont blessées. C'est, alors, le début d'une répression impitoyable. Depuis ce mouvement de contestation, auquel Bachar el- Assad avait répondu par les armes, la guerre a ravagé le pays, déstabilisant la région et obligeant plus de quatre millions de Syriens à fuir la désolation, la peur, mais surtout la mort. Ce, qui se comptait par centaines de milliers, puis par millions, ont ouvert la voie à l'avancée de l'organisation de l'Etat islamique (EI) qui innove dans la sauvagerie et la violation des droits de l'Homme. Le silence en or des pétromonarchies Face à cette vague de migrations, les riches pétromonarchies n'ont de réponse que le silence et n'offrent de refuge qu'à très peu de migrants. Une attitude qui a suscité critiques et interrogations quant à la solidarité arabe, mais surtout musulmane. Abu Mohammed, un Syrien de 30 ans, réfugié en Jordanie s'indigne : «Les pays du Golfe devraient avoir honte quand ils voient les portes de l'Europe s'ouvrir devant les réfugiés syriens, tandis qu'eux, ils les ferment devant nous.» L'indignation prend de l'ampleur sur les réseaux sociaux qui relayent ce genre de réactions, s'interrogeant sur le silence des pays du Golfe qui se doivent d'accueillir les réfugiés. L'éditorialiste du quotidien qatari Gulf Times a récemment relevé que «malheureusement, les riches pays du Golfe n'ont publié aucun communiqué sur la crise et encore moins proposé une stratégie pour aider les migrants, en majorité des musulmans». Ce lourd silence des pays du Golfe a fait réagir l'éminent blogueur émirati, Sultan Al Qassemi, qui a appelé les monarchies pétrolières à lancer une initiative «morale et responsable» pour accueillir les réfugiés, ainsi que le père endeuillé d'Aylan Kurdi, le petit enfant de trois ans dont on a retrouvé le corps échoué sur l'une des plages de Bodrum, en Turquie, qui a appelé, lors de l'enterrement de son épouse et ses deux enfants, les pays et les gouvernements arabes et non européens à voir ce qui est arrivé à ses enfants et à ce qu'ils viennent en aide aux gens. Michael Stephen, spécialiste du Moyen-Orient à l'Institut Rusi, explique qu'il ne «voit aucun dirigeant faire comme David Cameron, qui a changé d'attitude en 36 heures», se référant aux informations prêtant au Premier ministre britannique l'intention d'autoriser l'accueil de 15 000 réfugiés de Syrie, vu qu'ils (les membres du CCG), ne sont pas signataires de la Convention de l'ONU sur les réfugiés et ajoute que «la grande majorité des citoyens du Golfe estiment que ce que leurs gouvernements ont fait en Syrie est la bonne chose». Il faudrait dire, également, que les pays du Golfe ne peuvent pas se consacrer à la crise des migrants puisqu'ils concentrent leurs efforts et attention sur la complexe opération militaire qu'ils mènent contre les Houthis au Yémen. Cependant, les six pays du Conseil de coopération du Golfe (CCG), composé de l'Arabie saoudite, le Bahreïn, les Emirats arabes unis, le Koweït, Oman et le Qatar, ne sont pas restés complètement insensibles à la situation humanitaire des migrants Syriens, puisqu'ils ont dépensé des milliards de dollars en aide humanitaire pour améliorer la vie de ces milliers de Syriens qui s'entassent dans les camps installés dans les pays voisins, comme le Liban, la Jordanie et la Turquie. Ces réfugiés décident souvent de quitter ces camps, pour trouver de meilleures conditions de vie, en préférant se rendre dans les pays occidentaux et européens, particulièrement, malgré les dangers et les risques qu'ils prennent sur les milliers de kilomètres qu'ils traversent à pied. Même si les pays du Golfe sont plus proches géographiquement et partagent les mêmes valeurs culturelles et cultuelles, l'Allemagne représente l'eldorado pour beaucoup de migrants, composés majoritairement de cadres et d'étudiants. Selon l'Organisation internationale pour les migrations (OIM), pour la seule année 2015, 365 000 migrants ont traversé la Méditerranée et plus de 2 700 sont morts. La crise syrienne et l'expansion du groupe Etat islamique (EI) n'ont fait que renforcer l'instrumentalisation de l'antagonisme sunnisme-chiisme dans le but de servir des objectifs politiques plus larges. Les pays du Golfe, dont le rival régional est Bachar el-Assad, qui est soutenu par l'Iran chiite, soutiennent, financièrement et avec des armes, des groupes rebelles sunnites engagés contre le régime de Damas. L'Arabie saoudite et le Qatar sont accusés de soutenir des organisations extrémistes djihadistes. Un argument souvent avancé pour expliquer le refus d'accueillir les réfugiés, d'autant plus que l'Arabie saoudite s'est vue visée par des attentats du groupe EI depuis le début de l'année. Sultan Barakat, du Brookings Doha Center explique qu'étant donné que «les pays du Golfe sont impliqués dans les affaires politiques de la Syrie, ils peuvent s'inquiéter de ce que pourraient entreprendre ceux qui viendraient chez eux». Quant aux petits pays comme le Qatar et les Emirats arabes unis, ils refusent d'accueillir des Syriens sinistrés car la population autochtone est largement minoritaire et craignent d'être submergés par des réfugiés, sachant qu'ils font travailler des millions de migrants originaires de l'Asie du Sud. Selon Sultan Barakat, le seul geste qui pourrait aider les Syriens et amoindrir les critiques, serait d'ouvrir les frontières aux réfugiés qui ont déjà des membres de leur famille dans le Golfe. Même si l'octroi de visas reste strictement contrôlé, depuis des années, des centaines de milliers de Syriens vivent dans la région du Golfe où les opportunités d'emploi sont plus qu'alléchants. Accueil de l'Europe Il n'y a pas longtemps, quelques puissances occidentales, dont certains pays européens, ont soutenu le mouvement d'opposition, financièrement et matériellement, ainsi que d'autres groupes terroristes, dont El Nosra, pour créer le désordre et plonger le pays dans le chaos au moment où le peuple syrien soutenait encore son Président. Le plus étonnant était l'appel du chef de l'opposition israélienne, Isaac Herzog, samedi dernier à l'Etat hébreux, à accueillir des réfugiés syriens, rappelant la fuite des Juifs au cours des conflits passés. Mais Israël et la Syrie sont toujours en état de guerre. L'Allemagne, qui devient le premier pays de l'Union européenne à suspendre un protocole datant de 1990 imposant aux réfugiés de demander l'asile dans le pays européen dans lequel ils ont posé le pied, s'apprête à accueillir 800 000 migrants cette année. Ainsi, l'Office fédéral allemand de l'immigration et des réfugiés, ratifie un amendement suspendant ledit protocole de Dublin. Une décision qui a mis les pays européens sous une grande pression, puisque ce protocole est la base juridique sur lequel s'appuient les Etats européens afin de refuser de partager les quotas de réfugiés à accueillir provenant du Moyen-Orient et d'Afrique. Même si beaucoup soulignent que la Chancelière ouvre grand ses portes à cause du vieillissement de la population allemande, cela n'empêche pas que cette décision sauve la vie et l'avenir de milliers d'enfants. En Island, Bryndís Björgvinsdóttir, une jeune écrivaine de 33 ans, a mobilisé son peuple et son gouvernement pour apporter aide et assistance aux migrants qui envahissent l'Europe en disant simplement que «les réfugiés représentent des ressources humaines, des expériences et des compétences. Les réfugiés sont nos futurs conjoints, meilleurs amis, notre prochaine âme sœur, le batteur dans le groupe de musique de nos enfants, notre nouveau collègue, Miss Islande 2022, le charpentier qui va finalement réparer la salle de bain, le chef cuisinier de la cafétéria, le pompier, le hacker et le présentateur de télévision. Des gens à qui on ne pourra jamais dire : ‘'Ta vie a moins de valeur que la mienne''». Il faut aussi rappeler que Steve Jobs, cet entrepreneur et inventeur américain, pionnier dans l'avènement de l'ordinateur personnel, du Smartphone et de la tablette tactile, était d'un père syrien musulman, fils d'Abdulfattah Jandali, adopté par une famille américano-arménienne. Un couple italo-américain, installé à Maltes depuis une dizaine d'années, sillonnait la Méditerranée pendant 3 mois. Il y a deux ans, naviguant sur un yacht, ils ont remarqué un manteau qui flottait sur les eaux entre la Tunisie et Lampedusa. Ce couple qui a fait fortune dans les assurances, décide de répondre très concrètement à l'appel du Pape François, appelant à défendre et protéger la vie des migrants du monde, a consacré sa fortune et son temps à ces milliers d'hommes, femmes et enfants en danger de mort et dépensé 7 millions d'euros dans l'achat d'un bateau de 40 m, «le Phoenix», des canots pneumatiques, des drones de surveillance, des filets de sauvetage, de la nourriture, de l'eau et tout le matériel nécessaire pour venir en aide aux naufragés. Pour la seule année de 2014, le Phoenix a sauvé la vie à plus de 3 000 migrants au bord de la noyade. Le Moas, nom de l'association créée par ce couple, aura encore du pain sur la planche si le conflit ne s'arrête pas dans l'année en cours. M. A-S.