La montée en puissance militaire de la Russie sur le théâtre de guerre syrien est patente : chaque jour qui passe donne la mesure d'un déploiement régulier de matériel et de personnel. Virage stratégique qui a manifestement pris de court les Etats-Unis, la France et Israël. Moscou s'apprête à infliger une défaite stratégique aux USA, à leurs vassaux et autres feudataires dans la région. Moscou livrait déjà de l'armement à la Syrie, mais c'est surtout l'intervention de l'aviation russe qui va radicalement modifier la donne sur le front. C'est l'avis même du ministre des Affaires étrangères syrien Walid al-Mouallem : «La participation de la Russie contre Daech et le Front al-Nosra est encore plus importante que la fourniture d'armes à la Syrie.» Le coup de maître stratégique du maître du Kremlin en Syrie est aussi un désastre stratégique pour Israël, qui est paradoxalement du même avis que le chef de la diplomatie syrienne. Le Premier ministre Benjamin Netanyahou s'est en effet précipité à Moscou pour tenter de négocier avec Vladimir Poutine les conditions de déploiement de l'aviation russe. Sans grand succès. La crainte essentielle de Tel Aviv est de ne plus pouvoir agir librement en Syrie sans courir le risque d'affronter l'aviation russe, qui assure désormais la sécurité de l'armée syrienne ainsi que celle du Hezbollah, son allié libanais. Evolution stratégique catastrophique pour Tel Aviv qui enregistre par ailleurs le renforcement de l'Iran, désormais en paix avec les USA et l'Europe. Outre Israël qui se trouve ainsi neutralisé, il s'agit donc d'une déroute géostratégique majeure pour Washington mais également pour Paris. Cette dernière a soutenu sans relâche les branches locales d'El- Qaïda en partenariat avec le Qatar, la Turquie et l'Arabie saoudite. A l'évidence, l'intervention russe rebat par conséquent toutes les cartes. Difficile alors de condamner la Russie qui entreprend seule la destruction méthodique de l'Etat Islamique et d'Al- Qaïda. On le voit bien, le gain stratégique de Vladimir Poutine consiste à ruiner la stratégie américaine d'isolement de la Russie par le biais du conflit ukrainien. Les Occidentaux se retrouvent ainsi devant un dilemme cornélien. Soit ils appuient l'action militaire de la Russie en Syrie et aident, de facto, le président Assad à gagner la guerre. Ce qui signifie pour eux une défaite totale au Moyen-Orient avec, pour corollaire, un nouveau statut d'arbitre des relations régionales pour la Russie. Soit ils refusent et ils démontreront, aux yeux de l'opinion mondiale, qu'en réalité ils n'ont aucunement l'intention de neutraliser le terro-djihadisme. Pis encore pour eux, ce serait laisser au seul Poutine tout le prestige d'une victoire contre le terrorisme islamiste toutes étiquettes confondues. Vladimir Poutine entend donc formaliser, à l'ONU, son intervention contre l'Etat Islamique en Syrie. Et proposer aux Occidentaux de le rejoindre dans son juste combat. Et c'est là un tour de force du président russe : rompre l'isolement occidental, contraindre les Américains à soutenir son effort pour permettre à Bachar Al- Assad de gagner la guerre et, au final, faire de la Russie une grande puissance incontournable au Moyen-Orient. N. K.