Le ministre de l'Industrie a proféré dernièrement de lourdes accusations contre le patron du Groupe privé Cevital. Issad Rebrab s'en est défendu et a mis au défi son accusateur d'apporter la moindre preuve de ses accusations. Abdesselam Bouchouareb a persisté et signé. La presse s'en est ensuite mêlée, une partie défendant l'homme d'affaires, l'autre relayant de manière unilatérale les propos du ministre. Une polémique qui ne cesse d'enfler. Il convient, dans cette affaire, de rappeler deux principes de base. La présomption d'innocence de l'accusé et l'obligation pour l'accusateur d'étayer son accusation. À savoir que M. Rebrab aurait enfreint la réglementation en matière de facturation et de transfert de devises à l'étranger, entre autres faits d'une extrême gravité. Il est par ailleurs étonnant de constater que le ministre s'est contenté d'accuser sans pour autant donner une suite judiciaire à ses propos alors même que les délits mentionnés sont dignes de poursuite. Il est tout aussi surprenant de relever que la Justice n'a pas jugé utile de voir de quoi il retourne alors que les accusations sont l'œuvre d'un ministre important du gouvernement Sellal. Attitude pour le moins curieuse d'une Justice qui est pourtant en mesure de se saisir elle-même d'affaires qui concernent le Bien public. En attendant que la Justice daigne regarder un peu le fond de l'affaire, sur une plainte d'Issad Rebrab ou de Abdesselam Bouchouareb, un rappel s'impose donc au sujet de la réalité du privé et de ses pratiques. Si Bouchouareb n'est pas lui-même un parangon de la vertu, Rebrab ne personnifie pas non plus l'Immaculée Conception ! Pas plus qu'il n'est cette Image d'Epinal que des journaux, qu'il gratifie de placards publicitaires, donnent de lui. Comme de le présenter comme un grand créateur de richesses ou comme une victime expiatoire. Et surtout comme un capitaine d'industrie qui ne serait animé que par le souci permanent de l'essor du Bien Commun. Dans les faits, Rebrab s'inscrit dans la tradition du capitalisme rentier algérien. Présent essentiellement dans l'industrie agro-alimentaire et dans la fabrication de verre plat, il transforme de la matière première. Des oléagineux, de la canne à sucre et du sable. Dans le premier cas, il fabrique de l'huile de table, de la margarine et du sucre à partir d'une matière première subventionnée par l'Etat. Soutien justifié par le fait que l'huile est un produit économique de base à forte valeur sociale ajoutée. Tout comme le sucre, il est vital pour la préservation de la paix sociale. Pour le sable, Rebrab le transformateur a l'embarras du choix pour s'en servir à travers le pays. Le reste de son activité concerne le montage sous licence de technologies étrangères ou, depuis pas longtemps, l'acquisition d'unités industrielles à l'étranger. En outre, Citizen Rebrab a largement bénéficié des largesses et de la mansuétude des gouvernements successifs. Ces derniers ont longtemps fermé l'œil sur la situation de monopole de fait et ensuite de position dominante dont il a continué de bénéficier dans les secteurs du sucre et de l'huile de table. Sans compter les avantages fiscaux, notamment une généreuse amnistie consentie il y a un peu plus d'une décennie de temps. Même s'il est la plus grosse fortune du pays, Rebrab est un transformateur de matière, un reproducteur de techniques importées et un représentant de marques étrangères. Ce n'est tout de même pas Henri Ford ou Bill Gates ! Ceci dit, il a le mérite de créer de l'activité et l'emploi subséquent. Et il a par-dessus tout l'absolu droit à la présomption d'innocence et à défendre son honneur de citoyen. N. K.