La crise financière mondiale s'avère, au fil des jours, plus grave et plus profonde. Face à ce «Titanic» financier, qui se propage malheureusement à une vitesse vertigineuse, plusieurs rencontres-débats ont été organisées de par le monde. Sans pour autant trouver la solution adéquate. En Algérie, un pays qui n'est pas encore affecté directement, plusieurs colloques ont été organisés afin de passer en revue cette crise. Dans ce cadre, l'Institut national du Commerce (INC) a invité, la semaine dernière, pour animer ses cycles de conférences, M. Claudio Della Valle, expert à la Commission européenne. Celui-ci, lors de son intervention, devant un auditoire composé d'étudiants et de professeurs universitaires, est revenu en détail sur cette crise. D'emblée, il a noté que c'est la conséquence pure et simple d'un cumul de plusieurs facteurs, et cela depuis les années 1990. Une période durant laquelle les investisseurs (surtout américains) ont augmenté leur richesse grâce au «boom» de Wall Street et, par ricochet, leurs dépenses à la consommation. «Une partie importante de ces dépenses est consacrée à l'achat d'une maison nouvelle ou plus grande et/ou plus belle. Une chose qui fait, par voie de conséquences, augmenter leur prix [rigidité de l'offre dans le court terme]», ajoute-t-il plus loin. Résultat : au début des années 2000, la bulle boursière s'est dégonflée, avec comme corollaire, «une diminution générale de la demande et, donc, un ralentissement de la production et une réduction de l'emploi». Parallèlement, note le conférencier, la FED a réduit son taux d'intérêt à un niveau jamais imaginable quelques années auparavant, soit à 1% en 2003. La chute des valeurs boursières et la réduction du taux d'intérêt ont deux effets importants sur le marché immobilier. «La baisse des taux d'intérêt a fait augmenter la demande de crédit pour l'immobilier [mortgage loans] et surtout les prix des immeubles», précise M. Della Valle. Pire, cet expert a indiqué que ce processus s'est aggravé aux USA, lorsque la population s'était montrée «disponible» à payer des prix toujours plus hauts pour acheter des biens immobiliers. Contre toute attente, la suite des évènements s'est avérée catastrophique. Les prix de l'immobilier se sont effondrés, et les foyers les plus modestes ne peuvent plus rembourser leurs emprunts. Et comme un malheur n'arrive jamais seul, la valeur des maisons hypothéquées ne couvre plus ce qui reste à rembourser des prêts. «Pourquoi les banques et les institutions financières ont-elles accepté de consentir des prêts à une clientèle pas toujours fiable et, en plus, à des conditions qui rendaient assez problématique le remboursement ?», s'est interrogé cet analyste. «Les banques et les institutions financières ont adopté un mécanisme qui permet de transférer le risque [titrisation]», répond-il, avant d'ajouter que, depuis 2007, plusieurs paramètres ont précipité l'explosion de cette crise. Il s'agit, en effet, de l'augmentation progressive des taux d'intérêt décidée par la FED au cours de 2003-2007 (de 1% en juin 2003 à 5,25% en juin 2006), une décision qui avait empiré les conditions de remboursement des crédits hypothécaires, à cela s'ajoute le revenu de la classe moyenne qui ne s'était guère amélioré - en termes réels - dans la période 2000-2007, dû aux politiques sociales et fiscales de l'administration Bush. Et à l'expert européen de sérier l'ampleur des dégâts : des banques qui s'effondrent comme des châteaux de cartes, mais surtout la perte de plusieurs milliers d'emploi. La déflation, autre dommage collatéral de la crise L'autre conséquence de cette crise est, selon les économistes, la déflation. Avec tous les facteurs et indicateurs caractérisant cette crise financière, tout porte à croire que la déflation est d'ores et déjà là. En effet, ceux-ci parlent de l'existence de ce phénomène, lorsqu'une baisse générale des prix pendant une durée significative, conjuguée à une baisse des salaires moyens, est enregistrée. «Les ménages endettés voient ainsi leur situation empirer...», ajoute plus loin M. Della Valle, pour expliquer que ces facteurs poussent à évoquer la déflation. Existe-t-il un remède pour en finir avec ce redoutable phénomène ? La réponse est sans équivoque : «La déflation est particulièrement redoutée par les banques centrales, et les remèdes possibles ont peu d'impact. Le principal consiste en une baisse radicale des taux d'intérêt, pour regonfler artificiellement la masse monétaire. Mais le potentiel de baisse des taux demeure limité, surtout aux Etats-Unis, où le prix de l'argent est déjà presque zéro», répond-il. L'autre solution qui pourrait être envisagée, mais non sans conséquences inflationnistes, est l'«Helicopter drop». Il s'agit pour une banque centrale, précise l'orateur, de créer de la monnaie qui finance directement l'Etat, qui la redistribue aux ménages. «Cette pratique ouvertement inflationniste peut avoir comme revers de déprécier la monnaie. Cette technique est rendue difficile par la composition même de la masse monétaire. Dans les pays industrialisés, billets et pièces ne représentent qu'une partie minimale de la masse monétaire totale. Un petit pourcentage qui ne pèse assez pour contrer le phénomène de déflation», telle est l'autre réponse peu convaincante de cet expert. Pas de prévisions, mais plutôt un examen des points forts et des points critiques La crise sera-t-elle résolue par ces ajustements techniques (baisse des taux, injection de fonds...) ? Sur ce point, M. Della Valle a laissé entendre que le vrai problème réside actuellement au niveau du volume des ressources financières disponibles pour faire face à cette crise. Pour preuve, la même source fait remarquer que les marchés financiers restent très volatiles même après l'annonce des plans de sauvetage. Pourquoi les institutions publiques de surveillance des marchés ne se sont pas intervenues avant le déclanchement de la crise ? Là, la même source a indiqué que l'administration Bush s'est «inspirée» de la «théorie économique prédominante», c'est-à-dire de la capacité des marchés à trouver l'équilibre sans l'intervention de l'Etat. Dans ce contexte, l'équipe économique de Bush a fait croire que tout excès de surveillance et de règles aurait… causé des dommages majeurs. «Dans cet esprit, la FED, encore en 2007, croyait que la crise des subprimes était un épisode isolé qui aurait pu causer des pertes pour plus de 100 milliards USD [donc largement supportable par le système]», argue l'orateur. Interrogé par des étudiants et des enseignants sur les prévisions des experts et spécialistes en la matière, l'invité de l'INC a eu cette réponse : «Pas des presciences, mais plutôt un examen des points forts et des points critiques du panorama économique international». Et pour cause, ce dernier a indiqué que toutes les prévisions des économistes en ce sens ont été totalement faussées par la réalité du terrain. Selon la même source, la quasi-totalité des économistes a été désavouée. S. B.