par Fouzia Belkichi La crise alimentaire va changer le monde. Il y avait déjà les subprime, la crise financière et la hausse vertigineuse des matières premières. L'explosion des prix agricoles est tout aussi grave, sinon plus. Nous n'avons pas pris la mesure du phénomène. Aujourd'hui en Algérie, devrait-on se réjouir des recettes pétrolières et se dire que le pays est à l'abri ? Quand on sait que l'Algérie importe plus de 90% de ses besoins alimentaires et que rien n'est fait pour améliorer la production agricole, notamment céréalière. Des émeutes de la faim avaient éclaté en Haïti. Des manifestations ont eu lieu à Abidjan, au Caire, au Maroc et à Johannesburg. En Asie, en Amérique latine et en Afrique, de nombreux pays comme le Sénégal sont concernés. Que ferons-nous le jour où même avec notre argent nous ne trouverons pas de blé à acheter ? C'est la conséquence négative du progrès économique spectaculaire des cinq à six dernières années. Grâce à la mondialisation, des centaines de millions de Chinois et d'Indiens se nourrissent davantage et mieux qu'avant.Le réchauffement climatique réduit la superficie cultivable. Dans les pays pauvres, les politiques de développement préconisées par la Banque mondiale ont favorisé l'industrialisation et les cultures d'exportation tandis que l'engouement pour les biocarburants aggrave la pénurie alimentaire. La spéculation sur les matières premières pousse les prix à la hausse. Tout cela aura des conséquences graves. Comme lors des précédentes crises financières, nous ignorons comment cette crise va se propager de pays en pays. Et jusqu'où cela ira. De nombreux producteurs de céréales privilégient la consommation intérieure et arrêtent leurs exportations. Voilà une nouvelle forme de protectionnisme qui se met en place. Et le protectionnisme n'a jamais réglé les problèmes de pénurie. Au contraire. Et c'est là le réel danger qui guette l'Algérie.Les émeutes de la faim -jusqu'à présent limitées- ne sont que le prélude à des troubles bien plus graves. La disette menace dans de nombreux pays. Les gouvernements qui subventionnent déjà la nourriture sont poussés à le faire davantage, ce qui va grever leurs comptes publics et compromettre l'amélioration économique de ces dernières années. Pour combattre la famine, le monde a des instruments. Le PAM, le Plan alimentaire mondial de l'ONU, des ONG très efficaces et l'aide alimentaire des Etats. Mais le problème va au-delà de la famine proprement dite pour toucher des classes moyennes qui ne pourront plus se nourrir comme aujourd'hui. Le problème pourrait être dans la prochaine décennie doublement dangereux, car il s'agira d'une pénurie et non pas seulement de hausse des prix des produits alimentaires. Evidemment, il y aura des conséquences politiques. Des mouvements subversifs exploiteront la colère des affamés. Et l'Algérie ne manque pas d'ennemis. Le FMI existe pour réguler le système financier international. Mais aucune institution n'est prévue pour faire face à la crise alimentaire. La FAO n'est qu'une organisation agricole. Elle ne peut agir qu'à long terme. Attendons-nous à ce que l'explosion des prix agricoles devienne très vite un thème obligé dans les sommets internationaux. Et notre pays c'est-à-dire nos responsables sont dans l'obligation de trouver des solutions d'urgence et des plans de relance de l'agriculture. Que vaudra le pétrodollar quand les produits alimentaires viennent à manquer ?