La crise économique mondiale risque bel et bien de remettre en cause les fondements du système capitaliste prôné par une grande partie du monde. Elle risque aussi de provoquer des changements profonds dans la structure actuelle des relations économiques. Les divergences et les appels incessants à l'établissement d'un système équitable ont prouvé, une fois de plus, que les intérêts étroits l'emportent souvent même au détriment de la vie toute une aire économique. Les pays se renferment sur eux-mêmes. Ils se protégent et dressent des boucliers. En effet, le projet de Washington de protéger encore davantage ses sidérurgistes a confirmé cette crainte de voir le commerce mondial subir un coup d'arrêt sous le double effet de la récession et des barrières dressées par les Etats. Le forum économique qui se tient, depuis mercredi dernier à Davos (Suisse), aura démontré cette réalité alarmante. Tous les dirigeants ont désigné l'index ce protectionnisme qui risque de provoquer des dégâts énormes dans la structure économique en place. La Chine et la Russie, qui symbolisent l'interventionnisme de l'Etat dans l'économie, n'ont pas dérogé à la règle. Eux, aussi, ont dénoncé le protectionnisme toute en insistant sur le fait qu'«en période de crise, il est impératif d'intensifier la coopération internationale». Le Japon promet également de ne pas baisser les bras. Il veut combattre «résolument le protectionnisme» tandis que la Grande-Bretagne pense que la coopération est la seule solution. Grosso modo, le retour du protectionnisme a été le thème majeur, dénoncé à l'unisson par le Premier ministre russe,Vladimir Poutine, comme par ses homologues chinois Wen Jiabao, allemande Angela Merkel ou britannique Gordon Brown. Mais le plus remarquable dans toute cette histoire est la position des pays du Sud qui, même fragilisée, se veut une riposte claire à l'égoïsme des pays industrialisés. Les pays de la sphère sud du globe ont mis en garde contre toute tentation des Américains ou des Européens de revenir sur ce qui a été obtenu par les uns et les autres jusqu'à présent. Le ministre brésilien des Affaires étrangères, Celso Amorim, l'a bien souligné en affirmant que les principales victimes d'une vague de protectionnisme seraient les pays pauvres. Mais les pays développés, qui dépensent des milliards de dollars ou d'euros pour sauver leurs banques et soutenir leur économie, vont avoir la tentation de concentrer l'effet de ces plans sur leur marché intérieur. Le directeur de l'OMC, Pascal Lamy, a reconnu que «les ministres sont inquiets car ils subissent une pression politique domestique». «Ce qu'ils entendent chez eux, c'est que le commerce doit être jeté aux toilettes», ironise-t-il. Pour tenter de contrer cette tendance, les ministres du Commerce ont convenu de la nécessité d'intégrer les accords de Doha dans les discussions du G20 à Londres début avril prochain. Tous les dirigeants qui se sont réunis à Davos ont insisté, en fait, sur la nécessité de boucler les négociations de Doha sur le libre-échange. Dans une déclaration conjointe, les ministres du Commerce ont affirmé qu'il faut «prendre acte des progrès majeurs réalisés, en 2008, vers une finalisation du cycle de négociations de Doha qui fournissent une base solide pour une résolution rapide des divergences qui restent en 2009». L'autre point qui a attiré les attentions au forum de Davos a trait aux appels incessants des différents pays pour la mise en place d'un nouvel ordre mondial. Ainsi la chancelière allemande, Angela Merkel, a proposé la constitution d'un Conseil économique des Nations unies afin de superviser la coordination internationale des affaires économiques. D'autres pays ont estimé que la tenue du forum pourrait être l'occasion pour un accouchement «difficile d'un nouvel ordre mondial». Malgré une participation record lors de cet événement planétaire, il est tout de même aisé de constater que, concernant le volet financier de la crise économique, les responsables ont placé leurs espoirs dans la réunion du G20 du 2 avril prochain, à Londres, sans avancer de solution concrète pour la réforme du système financier international. En attendant, des experts ont tenté d'apporter des réponses et des solutions théoriques. George Soros, le patron de Hedge Fund pense que les États doivent isoler les mauvaises créances dans des «bad banks» (structure de cantonnement), de façon que les «good banks» puissent être recapitalisées et se remettent à distribuer de crédits. Ensuite, il souhaite que le FMI pourra financer les pays émergents à travers le mécanisme existant des «droits de tirage spéciaux». Car, précise-il, ces pays sont désormais tout autant touchés que les économies industrialisées d'où est partie l'épidémie financière. S. B.