«Je crois que l'Arabie saoudite essaie de gagner du temps et que la prise en compte de la hausse de la production ne se fera qu'a posteriori, potentiellement en juin (date à laquelle est programmée la prochaine réunion du cartel, Ndlr) à l'occasion du relèvement du plafond», a noté Christopher Dembik, analyste chez Saxo Banque. Avec l'arrivée imminente de l'Iran sur le marché, qui n'a cessé de répéter qu'il ne laisserait en aucune façon l'Opep l'empêcher d'augmenter sa production une fois les sanctions occidentales levées, et le retour de l'Indonésie au sein du cartel, le moment serait en effet mal choisi pour les pays du Golfe de renoncer aux parts de marché qu'ils se sont si désespérément efforcés de conserver au cours de l'année écoulée. Les membres de l'Opep «ont procédé à des réductions de production par le passé et ils ont la capacité de le faire, mai je pense qu'il leur manque la confiance et l'aptitude à travailler ensemble présentement», a commenté Abhishek Deshpande, analyste chez Natixis, estimant qu'ils avaient tous des attentes différentes. Selon l'analyste, si le Venezuela et l'Algérie appellent à des réductions de production, l'Iran, l'Irak ou encore l'Arabie saoudite ont tout intérêt à maintenir une production élevée. «Etant donné les circonstances actuelles, le meilleur résultat pour l'Opep pourrait en fait être que les prix restent déprimés un peu plus longtemps», a abondé Fawad Razaqzada, analyste chez Gain Capital trading group. Ainsi pour M. Deshpande, seul un baril restant durablement en-dessous de 40 dollars permettrait de mettre réellement à mal la résistance du pétrole de schiste américain, en compromettant les investissements dans ce secteur. Fidèle à la position adoptée un an plus tôt et maintenue en juin, le cartel a décidé, vendredi dernier, au terme d'une réunion particulièrement longue à Vienne, de maintenir sa production à ses niveaux actuels, sans toutefois annoncer explicitement qu'elle relevait son plafond de production. Alors que ce dernier a été reconduit à 30 millions de barils par jour (mbj) lors de la précédente réunion du cartel, il est dans les faits largement dépassé par ses membres, se situant actuellement aux alentours de 32 mbj selon plusieurs études. «Nous n'avons pas jugé nécessaire de donner des chiffres dans le communiqué», a fait savoir le ministre nigérian du Pétrole Emmanuel Ibe Kachikwu, à l'issue de la réunion, précisant que s'il fallait en donner un, «ce serait le niveau de production actuel» du cartel. «L'absence de directive sur un quota de production met en lumière le désaccord existant entre les membres (du cartel)», ont observé les analystes de Barclays. Les précédents communiqués, ont-ils relevé, comprenaient au moins des déclarations appelant à adhérer, à strictement adhérer ou à maintenir la production en ligne avec l'objectif de production. Celui-ci, de façon flagrante, n'en comprend pas. L'Opep a jugé que «réduire ce niveau n'allait pas avoir beaucoup d'effet sur le marché». La chute des cours du brut, qui ont perdu plus de 60% de leur valeur depuis la mi-2014, est en grande partie imputable à l'offensive commerciale de l'Opep, et notamment de son chef de file, l'Arabie saoudite, qui inonde le marché d'or noir pour contrer l'essor des hydrocarbures de schiste aux Etats-Unis. «L'Opep ne produit qu'environ 35 à 40% de la consommation mondiale. Si vous continuez à (vouloir) réduire la production, cela ne résout aucun problème. Nous avons besoin de nous adresser aussi aux pays non membres de l'Opep afin qu'ils nous rejoignent dans cette volonté de stabilité (des prix)», a ainsi argué le ministre nigérian du Pétrole, qui préside l'Organisation cette année. Les pays du Golfe ont fait savoir à plusieurs reprises dernièrement qu'ils n'accepteraient de réduire leur production que si les producteurs extérieurs au cartel, notamment la Russie dont la production a atteint dernièrement un niveau record, s'engageaient également dans cette voie, ce que la plupart des analystes jugent peu probable. B. A./Agences