L'avant-projet de révision constitutionnelle, rendu public par Ahmed Ouyahia, le directeur de cabinet de la présidence de la République, mardi dernier, lors d'une conférence de presse organisée à la résidence d'Etat Djenane El Mithaq, ne suscite pas l'unanimité. Des partis de l'opposition, qui s'étaient déjà prononcés sur le sujet avant même que la dernière mouture ne soit rendue publique, continuent d'exprimer leur rejet du texte et de la démarche adoptée. L'ancien chef du gouvernement, Ali Benflis, le président du parti Talaiou El Houriet, agréé récemment, dans une déclaration rendue publique, rappelle son refus de prendre part aux consultations : «Je n'entendais pas être un faux témoin et je n'entendais pas commettre le crime de faux témoignage contre mon propre pays, en lui faisant croire qu'une révision constitutionnelle suffirait à le faire sortir de l'impasse politique totale dans laquelle il se trouve.» Benflis, au nom des militants et sympathisants du parti, affirme être «attristé». Dans le communiqué, il écrit : «Près de cinq années de perdues pour le pays pour un résultat aussi dérisoire. Près de cinq années de perdues pour le pays juste pour permettre à un régime politique d'avoir sa Constitution qui ne sera pas celle de la République et qui, en tout état de cause, ne lui survivra pas. Près de cinq années de perdues pour le pays alors que restent intactes la vacance du pouvoir, l'illégitimité des institutions et l'accaparement du centre de la décision nationale par des forces extraconstitutionnelles qui sont au cœur de la crise de régime d'une exceptionnelle gravité, dont le pouvoir politique en place s'obstine à détourner les regards de nos concitoyennes et de nos concitoyens qui n'en sont pas dupes.» Aussi, «il est triste pour le pays que la Constitution de la République ait été réduite à incorporer une logorrhée politicienne sans consistance, sans profondeur de vues et sans cohérence politique ou juridique». Même position tranchée du RCD. Lui aussi, dans une déclaration rendue publique le jour même de la conférence de presse d'Ouyahia consacrée exclusivement à cet avant-projet de révision de la Constitution, validé par le chef de l'Etat, le 28 décembre dernier, affirme n'être pas du tout satisfait du contenu du texte révisé, «après une incubation de plusieurs années effectuée dans l'opacité sans que l'on connaisse, aujourd'hui encore, les modalités d'adoption de ce texte». Mohsen Belabès, le président du parti, affirme que «la constitutionnalisation d'une commission de surveillance des élections apparaît comme une offre en trompe-l'œil, destinée à entretenir la confusion pour reconduire les méthodes du passé, ce qui ne répond ni au problème crucial de la légitimité des institutions ni, par voie de conséquence, à la demande de l'opposition». Dès lors, il réitère la demande du parti et celle de l'opposition de mettre en place une instance de gestion des élections qui «aura la responsabilité du processus électoral du début jusqu'à son ultime phase». Le RCD insiste sur la nécessité de «transférer à cette instance l'ensemble des prérogatives afférant à toutes les modalités du scrutin, l'administration lui apportant les moyens logistiques afin d'assurer la régularité de la préparation des élections, l'organisation du vote et la proclamation des résultats». Concernant l'officialisation de la langue amazighe, Belabès dira que c'est une «avancée» et que «cet acquis consacre enfin le combat de plusieurs générations pour une demande légitime et essentielle pour l'harmonie et la crédibilité des paramètres définissant le cadre devant accueillir notre destin collectif». Le parti de Saïd Sadi soutient toutefois que la mise en œuvre effective de cette «avancée» n'est pas garantie, il reste donc sceptique quant à sa concrétisation pour des raisons évidentes. Le reste des dispositions contenues dans le projet de révision est, indique le RCD, «meublé par des annonces caractérisées par des généralités qui peuvent rester comme autant de vœux pieux si la volonté politique d'aller vers une transition effective ne se manifeste pas concrètement dans la parole et l'action publiques». De son côté, le mouvement Ennahda, à l'issue de la réunion de son bureau national, affirme être déçu par le contenu du texte présenté par Ouyahia. Il critique particulièrement le volet portant sur la consécration des libertés, l'alternance au pouvoir et les garanties d'élections transparentes. Le mouvement considère que «le refus de la constitutionnalisation d'une instance nationale d'organisation des élections est une démarche qui vise à continuer dans la fraude et maintenir le pouvoir en place». Partant, Ennahda met en garde contre les conséquences qui pourraient en découler. Djaballah reprend la phrase : c'est un non évènement. Une phrase employée par d'autres politiques. Par ailleurs, le parti de Louisa Hanoune ne s'est pas encore prononcé, le FFS de même. Le FLN et le RND affirment, bien évidemment, leur satisfaction. K. M.