Des réseaux maffieux se sont spécialisés dans l'importation frauduleuse de médicaments en Algérie, a indiqué, hier, le président du Conseil national de l'Ordre des pharmaciens (CNOP), le Dr Lotfi Benbahmed. «Il existe des réseaux mafieux d'importation illégale de médicaments en Algérie», a affirmé, hier, le Dr Benbahmed, sur les ondes de la Radio nationale. Selon le président du CNOP, il s'agit d'«un phénomène très localisé. Les produits importés ne sont pas disponibles en Algérie. L'importation frauduleuse et informelle touchait auparavant le marché de la pièce détachée et l'agroalimentaire, aujourd'hui elle touche le secteur pharmaceutique, et c'est très grave». «Certains de ces produits importés illégalement par ces réseaux mafieux sont distribués par des distributeurs de produits pharmaceutiques à travers l'ensemble du territoire national, ce qui est très dangereux, et nous alertons la population à ce sujet», ajoutera-t-il. Le responsable a fait savoir que «cela se fait avec la complicité de certains pharmaciens et médecins qui prescrivent ces médicaments, sachant que certains de ces produits n'ont même pas une utilité thérapeutique. Les produits importés illégalement sont vendus sans vignette, ce qui permet à certains pharmaciens de fixer le prix qu'ils veulent, et il n'y a pas une traçabilité de ces médicaments. Il est difficile de connaître un produit légal d'un autre contrefait». Selon lui, près d'une vingtaine de remèdes feraient l'objet de ce commerce. Des produits pouvant avoir de «graves conséquences» sur la santé des malades. Le Dr. Benbahmed a indiqué que son institution effectue des visites d'inspection sur le terrain. Et les sanctions seront très lourdes en cas d'infraction à la législation en vigueur, ajoutera-t-il. La nouvelle loi sanitaire prévoit des sanctions allant d'un an à cinq ans de prison et des amendes allant de cinq jusqu'à dix millions de dinars, en cas d'infraction aux règles d'importation et distribution. Les sanctions peuvent aller jusqu'à l'interdiction d'exercice. S'exprimant à propos du marché du médicament dans le pays, qu'il estime à 2,8 milliards de dollars/an, l'intervenant signale que 45% de la production est réalisée localement, et 55% des produits sont importés. Il souligne que «la production locale pourrait se substituer à l'importation mais il reste beaucoup de choses à faire. Il faut savoir qu'un certain nombre de molécules sont produites avec des moyens technologiques dont on ne dispose pas». Relevant, toutefois, que certains industriels ont tendance à fabriquer les mêmes traitements : «Il existe 73 producteurs de produits pharmaceutiques en Algérie, et 150 projets inscrits au niveau du ministère de la Santé dans ce segment, mais nous demandons une meilleure régulation de cette production, car la majorité des producteurs fabriquent les mêmes molécules. Il faut diversifier la production, orienter les producteurs vers la fabrication de molécules non produites en Algérie». Pour le Dr Benbahmed, il devient impératif de donner corps à un plan national de production du médicament. «Nous sommes déjà arrivés à 45% de médicaments produit localement, mais il reste beaucoup de chose à faire, en terme de formation et d'environnement économique. Nous militons pour un plan de développement de la production nationale. Il faut un travail intersectoriel pour développer la production pharmaceutique, ça ne dépend pas que du ministère de la Santé. Il faut un travail en collaboration avec les ministères de l'Industrie, du Commerce, et de la Formation professionnelle, car nous avons besoins de techniciens et d'une main-d'œuvre qualifiée pour le contrôle de la qualité», ajoutant qu'«une véritable production nationale s'est mise en place grâce à la volonté politique et aux mesures incitatives entreprises par les autorités ces dix dernières années. C'est une chance pour la diversification de l'économie algérienne. Il faut saisir cette chance et donner tous les moyens pour ce secteur pour qu'il puisse devenir un levier de croissance pour notre pays». Assurant que la nomenclature des médicaments répond présentement aux besoins thérapeutiques exprimés, l'intervenant a démenti l'existence d'une pénurie de médicaments dans le pays, affirmant qu'il s'agit en réalité de ruptures momentanées. Il dénonce, par ailleurs, la prolifération d'herboristeries, transformées, dit-il, en véritables officines pharmaceutiques et dont les articles ne sont pas contrôlés, parce qu'assimilés à des «produits alimentaires». Cela fait des mois, rappelle-t-il, que l'on a demandé qu'il soit mis fin à leur activité, «dangereuses pour la santé publique. «Le procureur de la république a été saisi pour exercice illégal de la pharmacie, mais rien n'a encore été entrepris », regrette-t-il. Concernant la baisse de la facture des importations, il dira que «cette dernière a connu une baisse car il y a eu une révision des prix à la baisse à l'enregistrement de certains produits pharmaceutiques», ajoutant que «les dépenses doivent être orientées vers le développement d'un tissu économique local et moins vers l'importation. L'Algérie a une véritable chance d'exporter ses produits vers les pays voisins, notamment vers la région subsaharienne». A. K.