Le marché national souffre actuellement d'une "indisponibilité chronique d'un certain nombre de médicaments". La liste des produits pharmaceutiques disponibles se rétrécit progressivement. Le président du Conseil national de l'ordre des pharmaciens (Cnop), Dr Lotfi Benbahmed, le signale et parle d'une "rupture des approvisionnements" vécue difficilement à la fois par les malades, les prescripteurs et les pharmaciens. Selon lui, ces restrictions quantitatives ont un impact direct sur les stocks de sécurité. On décide de réduire les importations au moment où le marché algérien est en pleine évolution. Pis encore, cette décision a été prise alors que le gouvernement décide de prendre en charge de plus en plus de pathologies qui coûtent cher, notamment les cancers et toutes les maladies chroniques. La réduction de la facture du médicament évaluée chaque année à environ 3 milliards de dollars ne doit pas se faire, reconnaît le Dr Benbahmed, au détriment de la santé publique. "Je préfère importer des médicaments essentiels que des paquets de biscuits ou le dernier mobile ou le récent parfum qui fait son lancement en Algérie", souligne-t-il. L'industrie pharmaceutique nationale, qui couvre 55% des besoins locaux et emploie des dizaines de milliers de personnes, est affectée par cette mesure restrictive, affirme le président du Cnop. Une centaine de médicaments essentiels est concernée par cette rupture. Parmi les produits manquants ou en "insuffisance d'approvisionnement chronique", le Dr Benbahmed cite l'exemple de ceux utilisés pour des examens ophtalmologiques, les corticoïdes en injectable, de même que ceux destinés aux traitements en oncologie et en diabétologie. "Cette situation devient inquiétante", a averti le Dr Lotfi Benbahmed lors de son passage hier sur les ondes de la radio Chaîne III. "Six mois après la signature des programmes d'importation, nous ne devrions pas vivre une période de manque d'approvisionnement pareille", relève-t-il. Cette pénurie va, par ailleurs, encourager l'apparition des phénomènes spéculatifs qui touchent les produits issus de l'importation illégale, à savoir des dérivés souvent "contrefaits et dangereux". "Ce marché parallèle, dit du cabas, reste préjudiciable à la santé publique", commente-t-il. Comme solution, l'invité de la rédaction de la Chaîne III propose une "structuration" du marché. "Nous plaidons pour une législation et le renforcement de la réglementation afin de créer un environnement qui nous permet de pallier ces ruptures", suggère-t-il. La production nationale, la solution ! La nomenclature doit être, indique-t-il, appréhendée de manière à anticiper cette rupture tout en créant un système d'alerte, tel que pratiqué par de nombreux pays au monde. Le rôle, dans ce sens, de l'agence du médicament, installée il y a quelques mois, est primordial. Cette structure doit avoir un tableau de bord qui lui permet de constater, à la faveur des différentes alertes de l'importation, de la production ou de la distribution, les divers manques d'approvisionnements. Et face à cette problématique, la production nationale peut constituer une des solutions, estime le président du Cnop, pour peu que celle-ci soit soutenue notamment en termes de prix où une baisse à l'enregistrement est souvent consentie par ces producteurs, ce qui fragilise davantage ces industriels et risque de les pousser à fermer leurs usines. "Il ne faut pas se retrouver un jour avec une centaine d'unités de production qui mettront la clé sous le paillasson à cause d'un seuil de rentabilité non atteint ou des crédits octroyés initialement suivant un niveau de prix bien précis mais qui, depuis, a changé", relève le Dr Benbahmed. Plus explicite, il déclare que dans l'enregistrement des médicaments, la production nationale est largement défavorisée par rapport à l'importation. L'enregistrement à l'importation s'effectue en euros et les prix sont réévalués en fonction de la dévaluation du dinar. Or, les médicaments fabriqués localement sont enregistrées en prix sortie d'usine, c'est-à-dire en dinars, et n'ont jamais été réévalués depuis au moins une dizaine d'années, précise le Dr Lotfi Benbahmed. B. K.