De notre correspondant à Tizi Ouzou Lakhdar Siad La wilaya de Tizi-Ouzou compte depuis plusieurs décennies des sites transformés par l'urgence et la démission des autorités en véritables résidences permanentes où sont casées les familles victimes de multiples et successifs sinistres qui ont touché la Kabylie. En plus du chef-lieu de wilaya doté du plus grand nombre de ces clichés de la pauvreté, des localités éloignées telles que Draa Ben Khedda, At Ouacif, Boghni et Tigzirt abritent des chalets et autres constructions occupés par des familles sinistrées ou déclarées comme telles. Ces bâtisses souvent vieilles, dégradées et sans les commandités élémentaires d'hygiène et de sécurité que beaucoup confondent avec l'habitat précaire ne font parler d'elles que lorsque la grogne dépasse leur seuil et devient un véritable cas d'atteinte à l'ordre public. Si les autorités se cachent derrière l'argument de «faux sinistrés» pour laisser en l'état, c'est-à-dire transis de froid en hiver et dans la canicule en été, familles et enfants et font preuve d'irresponsabilité et de laisser-aller inégalables devant les souffrances et les dangers qui rongent ces personnes fragiles, les victimes tombent souvent dans la facilité en faisant valoir rarement leurs droits à un logement décent dans un cadre organisé et ne suscitent que temporairement l'assentiment et le soutien de la population dans leur désir de «sortir de la m…». Les conditions de vie d'origine et le milieu d'où sont issus la plupart des sinistrés ainsi que la cause du sinistre font que leur prise en charge de façon durable n'a jamais été faite par les autorités. Le centre familial de la Caisse nationale des congés payés du secteur du bâtiment, des travaux publics et hydraulique (Cacobapth) à l'entrée est de la ville côtière de Tigzirt est un exemple type de la gestion des conséquences des sinistres par les responsables à tous les niveaux. La plupart des chalets de ce centre ont été occupés par des familles dont beaucoup d'adultes exercent dans le secteur de l'éducation, depuis 1985, suite à une décision de l'autorité locale. Depuis, certaines avaient préféré s'en aller construire ailleurs ; d'autres avaient fermé «leur maison» pour ne plus donner signe de vie alors que d'autres encore l'ont transformée en résidence d'été, selon un responsable de la Cacobapth qui avait sommé, il y a quelque mois les «indus locataires» de céder les lieux à leurs propriétaires afin de redonner au site sa vocation initiale. Le centre a été par la suite «renforcé» par l'arrivée, en 2001, de six familles évacuées et «relogées emporairement» suite à des inondations. Si les autorités avaient pris à temps les choses en main, en proposant un relogement ou un autre moyen de compensation idoine dans les délais, elles n'auraient pas eu besoin de recourir à la justice ou à la force publique. Le pourrissement et l'usure sont la politique de l'heure des maîtres des lieux. Le camp du parc Eniem, vitrine par excellence pour les visiteurs de la ville des Genêts, est un autre foyer durable pour les sinistrés de la région. Situé sur la RN12, pas loin du chef-lieu de wilaya, le parc incapable d'accueillir des engins, avait abrité 43 familles au lendemain du tremblement de terre du 21 mai 2003. Des années plus tard, plusieurs familles se trouvent toujours sur place dans des conditions de vie inhumaines. Six tuteurs de famille avaient engagé une grève de la faim pour se faire entendre. Mais la réponse des autorités par la voix de l'ex-chef de daïra de Tizi Ouzou était tout autre : «Tous les sinistrés du séisme sont pris en charge par nos soins. Ceux du parc Eniem et du Souk El Fellah Bouaziz sont de faux sinistrés.» A présent, les services de wilaya, qui ont peut-être mesuré les anomalies et les manques impardonnables dans la prise en charge des sinistrés, ont lancé l'idée de construire un centre de transit adéquat pour les sinistrés au niveau de Oued Falli, dans la périphérie de Tizi Ouzou. Pour le moment, il ne s'agit que d'un projet. Gare aux prochains sinistrés !