De notre correspondant à Tizi Ouzou Lakhdar Siad Le recours au moyen de la violence dans la gestion des affaires de la cité est perçu collectivement comme un gage de réussite par les pauvres habitants de quartiers et villages désabusés et est admis tel quel dans leurs évaluations et décisions par les représentants de l'administration qui cèdent sur le moment devant la loi du plus fort. La socialisation de la violence a chamboulé les rapports entre les représentations sociales qui ont intégré, d'une façon ou d'une autre, les mots et comportements agressifs dans leurs paroles ou actes, dans tous les espaces privés et publics, comme à la maison ou à l'école. Les pouvoirs publics qui donnent l'impression de vouloir chercher la paix sociale à moindre prix préfèrent concéder sur le champ des «acquis» souvent partiels et discriminatoires à des bandes violentes que d'avoir affaire à des comités de quartiers organisés, sages et attentifs aux intérêts de leurs mandataires. Comme si quelque part on avait besoin de cette violence pour se maintenir aux commandes. C'est parce que les conditions sociales et culturelles de la naissance et du développement de la violence sont réunies dans chacun des périmètres que pourrait compter un quartier que la voie de fait et les coups et blessures volontaires (CBV) sont, a posteriori, les chefs d'accusation qui reviennent le plus souvent dans les audiences de droit commun des tribunaux. Quand par exemple dans une cité récente de plus 2 500 logements, morcelables par le nombre de familles et d'enfants et parents, on ne trouve pas trace d'une moindre aire de loisirs ou d'espace vert il y a de quoi croire qu'il s'agit plutôt d'une fabrique de violence que de promotion immobilière. Dans la quasi-totalité, ou presque, des centres d'habitation, anciens et nouveaux, de la wilaya de Tizi Ouzou, les enfants n'ont pas où jouer, les jeunes où se divertir utilement et les vieux où ne pas mourir prématurément de stress. L'anarchie urbanistique est érigée en modèle de réalisation d'habitations groupées avec la complicité ou le laisser-aller des services compétents. Puis, dans une ville de plusieurs milliers de résidents, ni usine ni embauche dans la fonction publique, encore moins de facilités pour la création d'une richesse ou d'un quelconque moyen de survie individuelle. Au point de présumer qu'il y a comme une volonté ou un plan pour aboutir à cette situation de toutes les formes de brutalité face à l'absence de l'Etat, remplacé dans les cités par des gangs en tout genre, des «narcodinars», vivant de trafics et de blanchiment d'argent, rarement verbalisés par la police. Alors, pour l'ensemble des riverains, qui prennent exemple sur les méthodes «prouvées» des délinquants et des bandes de petits trafiquants, c'est l'émeute pour le moindre pépin dans le coin ! Dans les quartiers de la ville de Tizi Ouzou, une succession de colères sporadiques avait touché l'été dernier presque toutes les cités dortoirs et résidentielles pour dénoncer «la dégradation du cadre de vie et la démission des autorités». Les résidents des tours-villas, de la Nouvelle-ville et des cités Bekkar, Krim Belkacem et Eucalyptus s'étaient mis durant la même période à demander une meilleure alimentation en eau potable, le ramassage régulier et sérieux des ordures, des routes praticables et la viabilisation des sites concernés. Si des promesses ont été peut-être faites «à chaud» aux protestataires, qui ont barré les routes et incendié des pneus, on ignore si, depuis, des réponses concrètes y ont été apportées. Parce que, après tout, la ville de Tizi Ouzou demeure l'une des plus sales d'Algérie et où il ne fait pas du tout bon y vivre. Pendant ce temps-là,le gouvernement prépare de nouvelles lois sur les comités de quartiers et les associations dans son plan d'action du quinquennat en cours. Le Premier ministre, Ahmed Ouyahia, compte ainsi (en modifiant les anciens textes) faire jouer aux associations et comités de quartiers un rôle de médiateur en cas «d'atteinte et de trouble à l'ordre public» et pouvoir les impliquer dans la lutte contre les fléaux sociaux, le maintien de «la paix civile, la sécurité des personnes et de leurs biens» et la lutte contre les multiples formes de la criminalité. Est-ce le rôle naturel et premier qui doit incomber à ces cellules de base de toute politique de développement à l'échelle globale ou programme de proximité d'amélioration des conditions de vie des résidents ?