Il n'est certes jamais trop tard pour bien faire. Mais dans l'affaire des crânes de fameux résistants algériens du début de la colonisation, conservés à Paris, il était tout de même temps d'agir. Et c'est même le minimum patriotique dont pouvait faire preuve le gouvernement qui a annoncé que la question était «prise en charge par l'Etat». Le ministre des Moudjahidine a en effet annoncé hier que son département œuvrait de concert avec le ministère des Affaires étrangères pour une «prise en charge optimale de cette question dont l'histoire remonte à plus d'un siècle». On ne peut donc que s'en réjouir ! Il faut dire aussi que les conditions favorables à cette question étaient déjà réunies. Il aura fallu, pour faire bouger les lignes figées, une pétition citoyenne, à l'initiative patriotique de notre chroniqueur Brahim Senouci, professeur d'université en région parisienne. L'idée à la base était claire comme une eau de source cristalline : assurer de dignes sépultures à nos moudjahidine ! Le succès rapide de cette pétition en ligne et son large écho sur le Net ont fait réagir les responsables parisiens concernés. Le directeur des collections au Muséum national d'histoire naturelle (MNHN), Michel Guiraud s'était déclaré favorable à un examen bienveillant d'une demande de restitution de ces crânes, à la condition expresse d'émaner des autorités algériennes. Ces restes mortuaires, des crânes secs en majorité, appartiennent notamment à Mohamed Lamjad Ben Abdelmalek, dit Cherif Boubaghla, Cheikh Bouziane, chef de la révolte des Zaâtchas et Moussa El-Derkaoui (décapité par le général Emile Herbillon). Il y a également la tête momifiée d'Aïssa El-Hamadi, lieutenant de Boubaghla et le moulage intégral de la tête de Mohamed Ben-Allel Ben Embarek, lieutenant de l'Emir Abdelkader. Petite précision toutefois : parmi les 37 têtes conservées, figurent une douzaine de crânes d'Algériens «morts pour la France» que l'Algérie n'entend finalement pas revendiquer, et pour cause ! C'est ainsi, et de l'aveu même du directeur des collections au Muséum national d'histoire naturelle, M. Michel Guiraud, il n'y avait donc «aucun obstacle juridique» à leur retour en Algérie. Il ne restait plus alors que la demande à faire et le parcours procédural à accomplir en conséquence. La demande officielle algérienne sera d'autant plus facile à formuler que ces restes funéraires ne sont pas couverts par les lois françaises de prescription qui auraient permis au Musée de l'Homme d'opposer le principe «d'inaliénabilité» comme c'est le cas chaque fois que la restitution des archives coloniales est réclamée par la partie algérienne. Cette question des crânes ainsi évacuée, il restera aux Algériens d'exiger le rapatriement de Baba Merzoug, le canon mythique exposé actuellement dans la rade de Brest. Baba Merzoug, c'est cette légende des siècles maritimes. En son temps, la terreur de la Méditerranée, un canon de 6,25 m de long et d'une portée de 4,872 km. Longtemps avant la Grosse Bertha allemand, le canon algérien était imbattable et inégalable, valant à Alger sa légende de «Mahroussa», la citadelle bien gardée. Les éminences archivistiques et le ministère de la Défense français s'opposent toujours à la restitution de cette pièce d'artillerie qui «fait partie du patrimoine militaire» français et serait, par définition juridique «inaliénable». Les Français détiennent aussi huit couleuvrines, visibles à l'intérieur de l'Hôtel parisien des Invalides. Il y a aussi sur le terrain de la symbolique et peut-être plus prestigieux encore, l'homme de Tighenifine, vieux de 500 000 ans et qui conserve l'ADN du plus âgé de nos ancêtres amazighs. Ce berbère de Mascara est le plus ancien «déporté» du monde. Ce pithécanthrope a été découvert par Camille Arambourg en 1954, sur un terrain appartenant à l'époque à la famille du couturier Yves Saint-Laurent. Les Algériens doivent impérativement le réclamer même si les Français le considèrent comme «relevant du code du patrimoine, et est inaliénable». Nos pouvoirs publics doivent refuser d'accepter de simples moulages. Ils doivent d'autant mieux insister dans leur demande de récupération des restes originaux qu'il existe un cas récent de restitution qui fait jurisprudence en France. Il s'agit du crâne du grand chef Kanak Ataï qui a été rendu en 2014 à ses descendants après 136 ans de détention à Paris. N. K.