On dirait que la menace séparatiste représentée par le Mouvement pour l'autonomie de la Kabylie commence à être prise au sérieux au niveau politique. D'abord au plan national où les représentants locaux de l'Etat ont été instruits pour entreprendre tout ce qui pourrait neutraliser le péril en question. Dans une note ad hoc, les walis ont en effet été appelés à «mobiliser toutes les forces nationales et républicaines» pour «faire face à toute émeute ou acte de violence dans l'espace public». De même qu'il leur a été ordonné «d'interdire toute activité politique, déclarée ou non, du mouvement fractionnaire du MAK». «Fractionnaire», le qualificatif est désormais posé. Le mouvement de Ferhat Mhenni est donc perçu par le pouvoir central comme étant ce qu'il est en réalité : un mouvement séparatiste prônant la sécession de la Kabylie. Sur le plan international, régional plus précisément, le Maroc qui avait même soutenu «le droit à l'autodétermination de la Kabylie» à l'AG de l'ONU en 2015, semble désormais faire marche arrière. Indice de ce début de changement d'attitude, le leader du MAK s'est vu refuser récemment un visa d'entrée au royaume. Ce geste d'apaisement à l'égard de l'Algérie officielle a sans doute des motivations diplomatiques et est lié à des intérêts politiques dont on en aura plus tard une idée plus précise. Il est peut-être l'amorce d'un processus de normalisation des relations en crise entre les deux pays. Mais pour l'instant, l'attitude de fermeté des autorités algériennes et la position conciliante du Maroc incitent à se questionner sur la réalité de la «menace fractionnaire» représentée par le MAK. Lorsque son chef schismatique affirme qu'il n'est pas algérien sans pour autant annoncer qu'il abandonnerait sa nationalité algérienne, il exprime alors une liberté personnelle de vouloir être autre chose que ce qu'il est initialement. Là-dessus, pas de problème. Mais quand il revendique plus que jamais l'indépendance de la Kabylie après avoir prôné son autonomie, là il y a un sérieux problème. Et cela devient plus problématique encore lorsque l'idée d'un schisme kabyle fait son chemin. Pour l'instant, nos compatriotes kabyles ne sont pas tous ou dans leur grande majorité acquis à ses thèses séparatistes. C'est du moins ce que l'on constate empiriquement en l'absence de sondages qualificatifs ou d'un référendum à ce sujet. Peut-être que nous sommes victimes d'un effet d'optique ou d'un un effet de loupe dû à l'amplification médiatique. Du fait même que Ferhat Mhenni crée la confusion en préemptant la parole de tous les Kabyles. Au fond, cela importe peu car ce qui compte c'est de déconstruire le discours idéologique du MAK et faire la lumière sur ses soutiens. On sait que Mhenni avait jusqu'ici l'appui du Maroc et le soutien d'Israël qu'il a visité et dont il soutient la politique d'occupation et d'expansion coloniales. En revanche, la nouveauté, c'est l'intrusion inévitable du méphistophélique BHL qui confond désormais Kabyles et Kurdes. Les Kabyles, «ce peuple sans Etat comme le sont les Kurdes». Le grenouilleur international français, qui aime tant être la première étincelle du feu de la déstabilisation des pays qui refusent de pactiser avec l'Etat sioniste, reprend là une antienne du MAK. En effet, de fil autonomiste en aiguille indépendantiste, le particulariste M'henni en est venu à assimiler les Kabyles aux Kurdes et la Kabylie au Kurdistan ! Pour lui, une Kabylie indépendante, c'est un nouveau Kurdistan qui serait le meilleur allié des Etats-Unis et de l'Otan contre Daech. Avant qu'il ne se perçoive en Kabyle-Kurde, son discours a évolué pour passer de la régionalisation à l'autonomie avant d'évoquer une séparation de la Kabylie du corps national. On sait que le M'henni, militant culturaliste berbère et pour les droits de l'Homme n'existe plus. Le Ferhat du jour n'a plus rien à voir avec le patriote unioniste et démocrate de naguère. Place donc au séparatiste devenu ami d'Israël, hier l'obligé du makhzen marocain et nostalgique assumé de la colonisation française de l'Algérie. Il n'y a pas si longtemps que ça, devant des députés ultras de l'UMP, glorificateurs de la colonisation, le fils de chahid qu'il est avait alors estimé qu'elle était un «regrettable accident», un «malentendu» historique. Et de regretter ce «malentendu» et de promettre d'agir pour le «dissiper». Il l'avait daté à partir de la bataille d'Icherridène en Kabylie (24 juin 1857). Dans son esprit, ce «malentendu» a pour point de départ Icherridène et pour point final l'indépendance de tout le pays. Même la Libération est un «malentendu», vu qu'en 1962, «la Kabylie n'a jamais récupéré sa souveraineté transférée» par la France coloniale au pouvoir central de l'Algérie indépendante. Il avait trouvé également que la France coloniale fut plus clémente à l'égard de la Kabylie que ne l'aurait été le régime algérien depuis 1962. «Ce qui oppose le pouvoir à la Kabylie est bien plus lourd que ce qui a opposé la France à la Kabylie depuis 1857 jusqu'à 1962», avait-il dit. La colonisation est ainsi absoute de tous ses crimes. Du coup, ses compatriotes au pouvoir depuis 1962, y compris des décideurs Kabyles, auraient commis des «crimes» bien plus graves que ceux de la colonisation. Dans cette logique, la geste héroïque de Fathma N'Soumer et des Cheikhs El Mokrani et El Haddad relèvent d'un «malentendu» à «dissiper». Les crimes à grande échelle du maréchal Randon et des généraux Mac Mahon, Renault et Maissiat en Kabylie relèvent aussi d'un «malentendu». Dans la sémantique séparatiste du MAK, il est question aussi d'«ethnocide» et de «génocide» de Kabyles devenus par ailleurs les «nouveaux Juifs», les victimes supposées d'un Exodus à l'algérienne. Ces «nouveaux Juifs» sont tout compte ethnique fait, des Kurdes kabyles. Délirium tremens mais poison réel. A ne plus négliger ou banaliser. N. K.